Le président Béji Caïd Essebsi n’a pas paraphé les amendements apportés à la loi organique relative aux élections et référendums, votée par l’Assemblée des Représentants du Peuple le 18 juin 2019 “parce qu’il refuse la logique de l’exclusion et les amendements taillés sur mesure pour certaines parties”, a fait valoir, samedi, le conseiller politique du président de la République, Noureddine Ben Ticha dans une déclaration à l’agence TAP.
La présidence de la République met ainsi fin à la polémique sur la nature contraignante des textes de lois relatifs à la signature des amendements, qui selon certains experts du droit constitutionnel, obligeraient de fait le président de la République à parapher la loi en question.
La constitutionnaliste Salsabil Klibi insiste sur la nécessité pour le président de la République, de parapher la loi électorale dans sa nouvelle mouture, estimant que les délais pour son renvoi au parlement pour une deuxième lecture ou pour la soumettre à référendum ont expiré le 13 juillet dernier.
Sur le délai constitutionnel pour la promulgation de ladite loi, d’autres ont soutenu, qu’elle expire vendredi 19 juillet à minuit.
Sur les amendements de la loi électorale
Reporté à maintes reprises, le projet de loi électorale a été voté mardi 18 juin 2019 avec 128 voix pour, 30 contre et 14 abstentions.
Les amendements qui y sont proposés et qui ont été défendus, notamment, par les blocs d’Ennahdha et de la Coalition nationale portent sur l’abaissement à 3 pc du seuil électoral aux élections législatives. Ainsi, les listes ayant obtenu moins de 3 pc des suffrages exprimés ne sont pas concernés par la répartition des sièges.
Le parlement a, également, adopté l’amendement relatif au quotient électoral. Les bulletins blancs et les voix ayant voté pour les listes qui ont obtenu moins de 3 pc des suffrages exprimés au niveau de la circonscription, ne sont pas calculés dans le quotient électoral.
Selon l’organisation “Al Bawsala”, cet amendement accordera plus de sièges aux grands groupes parlementaires, ce qui risque de faire disparaitre carrément les petites formations politiques du parlement.
La proposition d’amendement présentée par le groupe “Al Horra-Machrou Tounès” au parlement concernant la suppression de l’interdiction des anciens Rcdistes des bureaux de vote a été approuvée par les députés.
Le gouvernement a, de son côté, présenté des amendements à la loi électorale se rapportant aux conditions de candidature. Les propositions en question ont suscité un tollé dans les rangs des députés et des partis politiques, tant au niveau de leur timing, que de leur bien-fondé.
En contrepoint, le ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Relations avec le parlement, Iyed Dahmani, estime que ces amendements viennent remédier aux lacunes contenues dans la loi électorale de 2014.
Validés par les députés, ces amendements qui renvoient à la loi sur les partis politiques, proposent que l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) rejette les candidatures et annule les résultats de ceux qui ont entrepris ou bénéficié d’actions prévues par les articles 18, 19 et 20 de la loi sur les partis politiques. Cette mesure doit concerner aussi tous ceux qui ont fait ou bénéficié de la publicité politique dans l’année précédant les élections.
Les articles en question de la loi sur les partis politiques interdisent aux partis de recevoir une contribution directe ou indirecte en espèce ou en nature d’une partie étrangère ou d’origine inconnue, outre les aides et dons provenant de personnes morales à l’exception des subventions octroyées par le budget de l’Etat.
Il s’agit, en outre, d’exiger du candidat aux législatives un casier judiciaire vierge (B3). Le candidat à l’élection présidentielle est appelé, en plus, à présenter un document relatif à la déclaration de patrimoine dans les délais ainsi qu’à la déclaration de l’impôt sur le revenu.
Les textes des amendements se rapportant aux conditions de candidature, interdisent de fait à toute personne n’ayant pas déclaré ses impôts, ou encore son patrimoine dans les délais impartis, ayant fait l’apologie de la dictature ou utilisé l’action associative à des fins politiques de se porter candidat.
Plusieurs parties rejettent les amendements
Des partis de l’opposition ont à maintes reprises exprimé le refus d’introduire des amendements à la loi organique sur les élections et référendums.
Plusieurs partis ainsi que des composantes de la société civile avaient appelé, dans ce sens, à maintenir les mêmes mesures appliquées lors des élections de 2014, arguant que l’amendement intervient à seulement quelques mois des élections, ce qui constitue, estiment-ils “une atteinte à la démocratie et à la diversité politique”.
Contrairement aux députés de la coalition au pouvoir qui voient dans lesdits amendements un moyen de “moraliser” la vie politique et de lutter contre les financements suspects des campagnes électorales l’opposition, l’opposition déplore entre autres par le biais de la députée Samia Abou “les manœuvres du gouvernement “visant à écarter certaines candidatures en proposant des amendements sur mesure, servant des intérêts étriqués”.
En dépit de la controverse, les députés ont fini par voter les amendements en question dont celui qui consiste à interdire (par l’instance électorale) la candidature de toute personne tenant un discours qui ne respecte pas le régime démocratique et les principes de la Constitution et incite à la violation des droits humains.
Le 8 juillet, l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de lois a déclaré “recevable” quant à la forme, le recours déposé contre les amendements de la loi électorale et “irrecevable” quant au fond.
Plus de 50 élus ont signé une pétition en vue d’un recours contre les amendements de la loi électorale. Selon les signataires, le recours a été déposé, dans les délais, auprès de l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de lois. Il concerne tous les articles amendés qui “sont entachés de plusieurs irrégularités et en violation avec le droit international”.
Intenter un recours contre la loi en question requiert la signature de 30 députés avant de le déposer auprès de l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, conformément à l’article 18 de la loi organique relative à l’Instance.
Pour ce qui concerne l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Anis Jarboui, membre de l’instance a déclaré hier à l’agence TAP, que l’ISIE a recommandé à ses instances régionales d’appliquer l’actuelle loi sur les élections et référendums, amendée en 2017, si le président de la République ne procède pas à la promulgation de la nouvelle loi et si celle-ci n’est pas publiée au JORT.
Toutefois, a-t-il ajouté, l’Instance et ses sections sont appelées à appliquer les nouveaux amendements proposés au cas où la nouvelle loi est promulguée et publiée au JORT.