” A la faveur de la prolongation de son mandat, l’Instance Vérité et Dignité (IVD) pourrait désormais mener à terme sa mission “, a affirmé mardi la présidente de l’Instance, Sihem Ben Sedrine.
” L’Instance ” Vérité et Dignité ” aurait due terminer sa mission en mai 2018, si elle n’avait pas rencontré des difficultés d’accès à des dossiers détenus par la justice militaire et financière et le ministère de l’intérieur “, a-t-elle précisé, lors d’une conférence nationale sur le thème : ” atteindre les objectifs de la justice transitionnelle : le rôle de la société civile et de l’Etat dans le post-IVD “.
” L’Instance a le plein de droit de proroger son mandat “, a-t-elle affirmé, expliquant que la Loi organique relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation n’a utilisé ni le terme ” demande ” ni ” alerte ” pour signifier le mode de prolongation de son mandat, mais elle a plutôt employé le terme ” décision “.
En vertu de l’article 18 de la loi sur la justice transitionnelle, ” la durée d’activité de l’Instance a été délimitée à quatre années, à compter de la date de nomination de ses membres, renouvelable une fois pour une seule année suite à une décision motivée de l’Instance et soumise au Parlement, trois mois avant l’achèvement de son mandat “.
” Le plus grand défi auquel fait face désormais l’Instance Vérité et Dignité (IVD) est la finalisation de son rapport final et la mise en œuvre des recommandations qui en sont issues pour prévenir toute récidive et amorcer la réforme des institutions de l’Etat “, a-t-elle souligné.
” La mise en œuvre de ces recommandations est confiée au pouvoir exécutif, à l’appareil judiciaire, à l’institution législative et à la société civile “, a-t-elle tenu à préciser, appelant, à ce propos, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à créer, d’ici janvier 2019, une commission en charge du suivi de la mise en œuvre des recommandations contenues dans son rapport final, en plus de la création d’une institution chargée de la préservation de la mémoire nationale.
” Le processus de la justice transitionnelle a été amorcé sur la base d’une décision nationale à la fois consensuelle et unanime et ne peut être interrompu par aucune institution de l’Etat, même s’il s’agit de l’Assemblée des représentants du peuple ou du pouvoir exécutif “, a tenu à rappeler le député et ancien ministre des droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, Samir Dilou.
” Le processus de la justice transitionnelle est à l’image du processus de transition démocratique. Il est précaire et semé d’embuches “, a-t-il ajouté.
Quant au bâtonnier de l’ordre national des avocats tunisiens (ONAT), Ameur Meherzi, il a mis en garde contre toute tentative de compromettre le processus de la justice transitionnelle ou de le dévier de son objectif.
” Encore à ses débuts, le processus de la justice transitionnelle risque d’être compromis par certains éléments infiltrés dans les rouages de l’Etat et qui cherchent à étouffer la vérité “, a-t-il encore averti, regrettant que ce processus n’ait pas encore abouti à des résultats concrets sur le plan judiciaire.
Selon le premier président de la Cour de cassation, Hedi Guediri, les dossiers soumis par l’IVD à la justice doivent être examinés au préalable par le juge d’instruction avant de les confier aux chambres judiciaires spécialisées.
” Le respect du droit à la défense comme principe judiciaire exige un examen préalable de ces dossiers par le juge d’instruction. En soumettant directement les dossiers aux chambres judiciaires, l’Instance risque de compromettre ce droit “, a-t-il expliqué.
Pour lui, ” cette démarche devrait garantir un procès équitable pour toutes les parties “.
Cette conférence nationale est organisée par l’IVD en partenariat avec des organisations de la société civile et avec le soutien du Haut commissariat des Nations aux droits de l’Homme (HCDH) et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).