Avant-première du film ” La Rumeur de l’eau ” de feu Taieb Louhichi : un vibrant hommage à un réalisateur amoureux du cinéma…amoureux de la vie

Une atmosphère empreinte de douleur et d’émotions a marqué, vendredi soir, la projection en avant-première, du dernier film de feu Taieb Louhichi ” La Rumeur de l’eau ” , en présence des membres de sa famille, ses amis et de l’équipe du film.

A cette occasion, un vibrant hommage a été rendu au réalisateur tunisien chevronné Taieb Louhichi décédé le 21 février 2018, et ce, à travers la projection
d’extraits de sa filmographie mettant l’accent sur son amour pour la musique, les grands espaces, son humanisme, sa créativité, son originalité ainsi que son indépendance.

Sa famille, ses amis et l’équipe de film ont tenu à rendre à ce réalisateur ” humaniste ” et ” généreux ” un hommage retraçant son courage, sa détermination, son amour pour la vie et le cinéma.

Emue, l’actrice et soprano Ombretta Macchi a rappelé la joie de vivre du cinéaste en affirmant que par sa participation dans le film, le réalisateur tunisien lui a permis de renouer avec les souvenirs de ses origines tunisiennes qu’elle tenaient de sa grand-mère française née en Tunisie en 1915 puis partie à la veille de l’indépendance.

De son côté, Hichem Rostom, l’un des acteurs fétiches du réalisateur a évoqué la détermination et la volonté de Taieb Louhichi à réaliser ses films en dépit du manque de moyens et tout en gardant son indépendance et sa liberté, mentionnant par ailleurs, la nature multiculturelle qui accompagne le tournage de ses films.

” Taieb Louhichi est un réalisateur qui rêve ses films ” c’est ainsi que le producteur du film et ami du réalisateur Lotfi Layouni a tenu à parler de Taieb Louhichi en ajoutant que le tournage du film ” la Rumeur de l’eau ” a épuisé le défunt qui était impliqué à raison de 11 à 12 heures par jour afin de mener à bien ce dernier rêve.

Layouni a tenu par ailleurs à souligner que Louhichi restera un symbole de résistance et de volonté pour la nouvelle génération de réalisateurs tunisiens, rappelant, à ce propos que depuis 2009, Taieb a pu malgré sa tétraplégie tourner trois films.

Dans sa dernière oeuvre “La rumeur de l’eau”, Taieb Louhichi a choisi l’opéra pour parler d’une manière poétique de l’histoire de la Tunisie dans sa vocation nationale et universelle. A travers le retour du metteur en scène Enes en Tunisie pour remonter l’opéra Didon et Enée de Purcell à Sidi Bousaid, le passé tourmenté politique et amoureux du personnage se mélange avec le présent post- révolutionnaire de la Tunisie. Après 25 ans d’exil, le retour d’Enes se fait à la fois dans la douleur et l’espoir. Optant pour une esthétique filmique originale et sensuelle, Louhichi a adapté l’opéra ” Didon et Ennée ” du compositeur anglais Henry Purcell afin de marquer la portée universelle de la Tunisie à travers Elyssa fondatrice de Carthage. Dans sa note accompagnant le film, le réalisateur avait souligné ” La musique fait partie de l’harmonie des éléments qui font un film “. Structurant le film du début à la fin, l’opéra d’Henry Purcell interprété par la soprano Ombretta Macchi et le ténor Hassen Doss devient une métaphore moderne pour illustrer la Tunisie dans son héritage multiculturel et ses doutes d’avenir.

Né le 16 Juin 1948 à Mareth, Taieb Louhichi a suivi des études en sociologie avant de se tourner vers le cinéma. Il a tourné plusieurs courts métrages parmi lesquels figurent ” Mon village, un village parmi tant d’autres “, lauréat du Tanit d’Or aux Journées cinématographiques de Carthage de 1972. En 1982, son premier long métrage, ” L’Ombre de la terre “, reçoit plusieurs prix dont le prix du meilleur scénario et la Manivelle d’or au Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou. Il est également primé à la Semaine de la critique à Cannes. En 1987, il tourne ” Gorée, l’ile du grand-père ” suivi en 1989 par ” Layla, ma raison ” qui est sélectionné en compétition officielle à la Mostra de Venise et obtient en 1991 le Prix du public au premier Festival du cinéma africain de Milan.
En 1998, il a tourné son troisième long métrage de fiction ” Noces de lune ” suivi par ” La danse du vent ” en 2003.

Revenu en Tunisie en 2009 après quatre ans passées en France pour des soins intensifs à la suite d’un grave accident survenu en 2006 aux Emirats Arabes Unis, Taieb Louhichi a continué à faire rêver son public à travers ses films malgré la perte de l’usage de ses membres. Il réalise ainsi un documentaire ” Les gens de l’étincelle ” sur les protagonistes de la révolution en 2011, puis un long métrage, ” L’enfant du soleil ” en 2014. Son dernier film ” La rumeur de l’eau ” produit en 2017 a été projeté pour la première fois lors d’une séance spéciale au cours de la 28ème session des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC 2017).