Comme beaucoup de ses jeunes compatriotes tunisiens, “Hmed ben Salem Rezgui” est parti en Italie sans laisser de traces pour ses parents secoués par son absence brutale depuis déjà 9 mois.
L’histoire de ce jeune et ses parents en deuil est celle sur laquelle s’est basée la réalisatrice Sarra Abidi dans l’écriture du scénario de son film de fiction “Benzine”.
Cette nouvelle fiction de 90 minutes, présentée mercredi à Tunis dans une projection spéciale pour la presse, porte le titre “Benzine”, un mot en arabe qui désigne essence, en référence au phénomène de la contrebande de carburant qui a pris de l’ampleur dans le pays, spécialement, après les évènements de 2011.
L’histoire de ce jeune diplômé, en informatique, est aujourd’hui parmi des milliers d’autres histoires, semblables, de jeunes qui ont pris le large dans l’espoir d’une vie meilleure sur le vieux Continent.
Les évènements de Benzine se passent dans le Sud tunisien, au village d’El Mejni, à Gabès, où vivait un couple, Salem (Ali Yahyaoui) et Halima (Sondos Belhassen), en désespoir total sans aucune nouvelle de leur fils unique.
Entre les bureaux des avocats, les sit-ins à la capitale et la morgue où sont régulièrement recueillis les cadavres de jeunes repêchés en mer, la douleur des parents est double.
Benzine donne à voir une image encore plus sombre d’une jeunesse perdue, de parents incapables de gérer la situation, confrontés à un quotidien difficile. Dans Benzine, les barons de la contrebande de carburant sont pointés du doigt puisqu’ils sont eux-mêmes les passeurs tenus pour responsables dans le voyage risqué des jeunes gens, hommes et femmes.
Mais face à la pauvreté, les familles se trouvent, sans le vouloir, complices de ce réseau de contrebande qui leur distribue l’essence en provenance de Libye.
Salem qui exerce le métier de vendeur d’essence à bord de sa vieille Peugeot 404 fait partie de ces revendeurs qui peuplent les autoroutes du Sud. Tout le monde se trouve impliqué, dans un trafic qui se fait sous le regard de la police et des voyageurs qui s’arrêtent pour faire le plein.
Dans une Tunisie profonde où le citoyen est livré à lui-même, se conjugue cet état de pauvreté à la rudesse du climat hostile.
Même pour les plus chanceux parmi ceux qui vivent de ce trafic d’essence, ou bien même de l’instituteur installé dans ce coin perdu, la situation ne semble pas aussi évidente ni meilleure.
“Benzine” est bâtit sur une approche reprenant un sujet, l’émigration et ses effets, qui a été largement traité par le cinéma tunisien.
Avec toute la sensibilité et l’importance de l’aspect humain auquel renvoie cette fiction, -représenté essentiellement dans la douleur des parents-, le public cinéphile se trouve encore une fois confronté aux problèmes et contraintes sociales qui font quotidiennement la Une des médias locaux et internationaux.
Au lieu de chercher à encore renfoncer ce sentiment de mal-être dans un pays qui va mal, le 7ème art devra peut-être avoir cette vocation qui donne une lueur d’espoir aux gens à travers des œuvres qui traitent de thèmes d’actualité, suivant une approche légère et créative.
Sarra Abidi dont la carrière cinématographique se limite à trois courts-métrages et un moyen-métrage, documentaire, s’est lancé dans cette expérience de réalisation et écriture d’un long-métrage de fiction.
Au niveau du scénario, le spectateur se trouve devant un texte qui manque cruellement de suspense et d’intrigue.
Même si ayant eu recours au talent de Sondos Belhassen, connue en tant que chorégraphe et actrice, avec ce baiser langoureux entre Halima et son mari Salem-qui semble quelques part parachuté dans le film-, la scénariste-réalisatrice ne semble pas chercher à séduire un public cinéphile et exigeant.
“Benzine” est une fiction réalisée en 2017 par Sarra Abidi et produite par feu Ali Ben Abdallah – son mari (décédé le 21 mai 2017) -, connu en tant que producteur et directeur photo.
Distribué en Tunisie par le groupement Goubantini, “Benzine” sera présenté en avant première ce vendredi 19 janvier à la salle Le Colisée, sachant que la sortie nationale démarrera le 24 janvier dans 12 salles et 13 maisons de culture à travers le pays.
Ali Yahyaoui, Sondos Belhassen et Fatma Saidane, sont parmi les principaux acteurs au casting de ce film qui bénéficie du soutien du Centre National du cinéma et de l’image (CNCI), l’Arab Fund for Arts and culture (Afac) et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).