Sur le plan politique, l’année 2017 a été notamment marquée les appels au changement du régime politique et à la révision de la Constitution. Une question qui a divisé les partis politiques et suscité de vives réactions d’appréhension pour les acquis démocratiques.
Appréhension autour d’un éventuel changement du régime politique
Le dirigeant du mouvement Ennahdha Lotfi Zitoune compte parmi les premiers à appeler à la révision de la Constitution pour élargir les prérogatives du président de la République.
Selon lui, la nouvelle Constitution est à l’origine de la crise du pouvoir que vit le pays dans la mesure où elle instaure un régime mi parlementaire mi présidentiel.
Du même avis, le chargé des affaires politiques de Nidaa Tounes Borhane Bessaies avait déclaré lors d’une émission télévisée datant du 13 septembre dernier que son parti envisage sérieusement d’organiser un référendum pour le changement de l’actuel régime politique. Il a estimé que le régime actuel n’a plus rien à donner et qu’il faudrait solliciter l’avis du peuple tunisien à ce propos.
Cette proposition défendue par les deux partis majoritaires au parlement a été critiquée avec virulence par une large frange de l’opposition à l’instar du Front populaire et du Courant démocrate qui ont exprimé la crainte d’un retour au régime despotique et à la concentration du pouvoir entre les mains du président de la République.
Ces appréhensions autour d’un éventuel changement du régime politique n’ont fait qu’augmenter après la décision de la présidence de la République de créer des commissions spécialisées dans des secteurs comme la santé, le transport et autres, rattachées au conseil national de sécurité.
Le conseiller de la présidence de la République chargé de la sécurité nationale Kamel Akrout a tenu à préciser que ces commissions créées en vertu d’un décret présidentiel datant de 1990 n’empiètent nullement sur l’action gouvernementale.
L’écrivain et journaliste Hedi Yahmed estime que les changements que connait la Tunisie depuis sept ans ont imposé de nouvelles règles du jeu politique qui ont déstabilisé les acteurs politiques. Ce qui explique cette “inadaptation avec le nouveau régime politique”.
Les discours contradictoires entre la présidence de la République et le ministère des Affaires étrangères sur l’interdiction des Tunisiennes d’embarquer sur les vols des compagnies émiraties illustre bien cette instabilité.
Rendement des partis
Le choix des coalitions fait par un grand nombre de partis politiques suscite un certain scepticisme.
La coalition entre Nidaa (mouvement destourien, libéral social) et Ennahdha (mouvement islamiste) reste la plus “déstabilisante” pour le paysage politique, de l’avis de dirigeants des deux partis.
Les résultats des élections législatives partielles ont porté un coup dur à cette alliance qui a vu le jour après les élections 2014. Nidaa Tounes a alors affirmé son intention de repenser cette coalition.
Des coalitions fragiles sans grand effet sur le paysage politique lient le reste des partis, selon le journaliste Hedi Ben Yahmad.
Mohamed Amine Ben Messaoud, journaliste chercheur considère que les partis politiques nés durant la période de Bourguiba et Ben Ali n’ont pas pu s’adapter à la nouvelle réalité politique d’où l’apparition d'”anciens nouveaux partis” et de nouveaux partis basés sur des individus plutôt que sur des programmes politiques.
“Ces partis font partie intégrante du monde de la finance, des médias et des relations avec l’extérieur, ce qui illustre “une démocratie sans partis démocratiques” et reflète le caractère hybride du régime politique.
Peur pour la démocratie
Les partis politiques, en particulier ceux de l’opposition ont a maintes reprises mis en garde contre le risque d’une régression démocratique. Parmi eux figurent les partis signataires du Document de Carthage comme Al Massar, Machrou Tounes Al Joumhouri et le mouvement Al Chaab.
Ces partis conviennent que le rapprochement Nidaa Tounes-Ennahdha a favorisé l’adoption des quotas partisans
dans l’administration et les instances constitutionnelles indépendantes.
Pour Hedi Yahmed ” les craintes de ces partis sont légitimes” face à l’inertie politique. Le consensus entre Ennahdha et Nidaa a compromis l’émulation politique et risque de compromettre, à l’avenir, tous les outils d’alternance pacifique au pouvoir.