Tunisie – JTC 2017 : “Bahidja” de Ziani Chérif Ayad, le théâtre comme lieu pour questionner un passé toujours actuel

La scène se dresse comme un lieu de mémoire où les acteurs se livrent dans un exercice périlleux pour se rappeler et nommer un passé encore douloureux.

Un exercice qu’entreprend ” Bahidja ” personnage principal de la pièce du metteur en scène algérien Ziani Chérif Ayad pour pouvoir ” marcher, avancer et vivre le moment présent”.

Dans ” Bahidja “, Ziani-Cherif Ayad, retrace, à travers l’histoire du personnage principal, les débuts de la guerre civile algérienne ” la décennie noire ” qui opposait l’armée algérienne aux groupes terroristes dans les années 90.

Tiré du roman ” sans voile et sans remords ” de l’écrivaine Leila Aslaoui, l’histoire de Bahidja est inspirée de faits réels. Deux histoires se chevauchent dans le destin tragique de Bahidja : celle de son enfant Radouane devenu terroriste dans les années 90 et celle de sa sœur ” Nouria ” moujahida disparue lors de la guerre de Libération dans les années 60.

Voulant le protéger contre le terrorisme naissant, Bahidja envoie son fils Radouane en France. Endoctriné lors d’un voyage d’étude en Suisse, il retourne en Algérie pour semer la mort lors des retrouvailles familiales avec sa tante Nouria qui revient dans son pays natal après 35 ans d’exil en France en raison d’un amour inacceptable par une société conservatrice.

En effet, Radouane revient en Algérie pour tuer et laver l’honneur de la famille bafouée par sa tante Nouria mariée à un officier français, qui a rejoint le maquis pour combattre auprès du Front de Libération National (FLN).

A travers cette pièce, Ziani Cherif Ayad met en scène un cri d’indignation contre l’intolérance, le terrorisme, les procès d’intention et la barbarie.

A travers l’errance de Bahidja dans les rues d’Alger la blanche des rues qu’elle ne reconnait plus, se dessine l’histoire d’un peuple meurtri par le terrorisme et une guerre civile passée mais toujours d’actualité dans un monde mondialisé.

” Marcher ” (Nemchi) comme le dit et le répète le personnage principal Bahidja, tel un leitmotiv, investir la scène dans le noir menée d’une torche pour questionner les consciences et tenter de comprendre un passé rythmé par la violence, la haine et l’intolérance.

” Marcher ” pour aussi résister et vivre, car comme l’indique le metteur en scène Ziani Cherif Ayad à l’agence TAP ” Entre un passé tumultueux qu’on essaye d’oublier et un avenir incertain, il faut vivre le présent comme une arme face aux ennemis de la vie “.

Evoquer le passé de la décennie rouge est aussi une manière de parler du terrorisme d’aujourd’hui, un terrorisme qui ne touche pas seulement les sociétés musulmanes ou les exclus et les pauvres. L’extrémisme religieux draine aussi une population bien intégrée et équilibrée.

Le passé devient ainsi le miroir du présent, le théâtre se transforme en un lieu privilégié pour interpeller, provoquer et susciter une vraie réflexion nécessaire pour identifier la bêtise immonde et situer les responsabilités. Le théâtre, par le biais de son pouvoir cathartique et exutoire, devient dans la pièce ” Bahidja “, un acte de résistance contre l’oubli et le déni, un acte essentiel, comme l’affirme le metteur en scène pour se pacifier avec le drame du passé et pouvoir définitivement tourner la page en disant
” Plus jamais ça ” .