Près de 70 pc des victimes d’agression sexuelle sont des enfants, a déclaré jeudi le chef du service de la médecine légale à l’hôpital universitaire Charles Nicolle, Moncef Hamdoun .
Intervenant à la séance d’ouverture d’un atelier intitulé “Pour une justice adaptée aux enfants “, tenu à l’initiative du centre d’études juridiques et judicaires en collaboration avec le conseil de l’Europe et l’unité médico judiciaire à l’hôpital Charles Nicolle, Dr Hamdoun a souligné l’importance de réexaminer la prise en charge des enfants victimes des agressions sexuelles dans l’objectif d’éviter les traumatismes répétés post agression causés par les différents interrogatoires dont ceux de la police, des juges et des interviews des médecins légaux .
Dr Hamdoun a mis l’accent, à cette occasion, sur l’importance majeur de la prise en charge psychologique des victimes des agressions, appelant à la révision de toutes les procédures institutionnelles adoptées visant notamment à réduire le nombre d’interrogatoires.
Pour sa part le chef du service de pédopsychiatrie à l’hôpital Mongi Slim et militante à l’Organisation Tunisienne des femmes démocrates Ahlem Belhaj, a souligné que les réponses institutionnelles sont insatisfaisantes et inadaptées aux besoins d’enfants victimes des agressions et des abus sexuels alors que ce phénomène constitue un problème majeur de santé publique.
Les répercussions physiques de l’agression sexuelle dépendent de plusieurs facteurs à savoir la gravité et la répétition de l’acte, l’âge au moment de l’agression, la relation avec l’agresseur, le degré de vulnérabilité individuel, la qualité de la relation familiale et la réaction de la famille après la découverte de l’agression en plus de la qualité de prise en charge thérapeutique, a précisé la même source.
Belhaj a passé en revue, par la même occasion, les symptômes pouvant aider les parents et les intervenants pour prendre en charge les victimes d’agression. Parmi ces signes figurent notamment l’état de stress post traumatique, le changement brutal des comportements, la nervosité, l’inhibition et les cauchemars, a-t-elle ajouté.
L’arrêt brutal de l’activité de loisir, les troubles somatiques, la peur inexpliquée, l’apparition d’angoisses nouvelles et inattendues liées à la réexposition qui pourrait rappeler l’abus comme la pudeur excessive inhabituelle, ou des troubles des comportements à savoir les mensonges, le vols, l’opposition, constituent également des indices forts du traumatisme sexuel, a encore affirmé Belhaj.
L’expertise se base généralement sur trois axes qui sont les lésions et les infections sexuelles transmises, le récit de l’enfant et les changements des comportements, a rappelé Belhaj.
Il est important d’éviter la double victimisation des enfants victimes de l’agression sexuelle, a fait remarquer Belhaj, mettant en garde contre le fait que ces victimes tombent dans le piège des circuits de prostitution, du tabagisme, d’alcoolisme, et de l’addiction.
Le directeur général du centre d’études juridiques et judicaires Riadh Essid, a pour sa part, expliqué que l’abus et l’exploitation sexuels des enfants sont des phénomènes complexes qui recouvrent plusieurs formes, notamment l’abus sexuel au sein ou en dehors de la famille, la traite des enfants, la pornographie ou la prostitution. Le traitement d’un tel abus est partagé entre plusieurs institutions qui, afin de remplir leur rôle respectif, doivent recevoir le témoignage de l’enfant, a-t-il dit.
Le récit de l’enfant constitue la preuve principale de l’abus pour recueillir l’information et traiter efficacement une affaire de violence sexuelle, a précisé Essid soulignant que les techniques mises en place, dans ce domaine, peuvent se révéler inadaptées aux besoins des enfants.
L’enfant victime, est soumis fréquemment à de multiples interrogatoires et enquêtes, par différents professionnels, dans divers lieux non – adaptés aux enfants, selon la même source, ajoutant qu’une telle approche non-coordonnée entre les institutions concernées provoque une double victimisation des enfants.
Cet atelier de réflexion pour adapter les pratiques judicaires en Tunisie aux besoins des enfants victimes de violences et d’abus sexuels sera ainsi une opportunité pour réfléchir sur la justice adaptée aux enfants afin de présenter les bonnes pratiques en matière d’accompagnement pluridisciplinaire et interinstitutionnel des enfants victimes et échanger sur les bonnes pratiques.
Au programme de cet atelier de travail, de deux jours, figurent trois sessions, la première portera sur le parcours juridique de l’enfant victime de violences sexuelles, la deuxième sur l’accompagnement pluridisciplinaire et interinstitutionnel des enfants victimes et la troisième sur ” Barnahus en Tunisie : possibilités de mise en place ” .
Les participants assisteront à trois ateliers de réflexion autour de l’amélioration du parcours juridique de l’enfant victime, l’amélioration des espaces et des services de prise en charge de ces victimes et la mise en place d’un réseautage efficace entre les différentes parties prenantes.