JCC2017 : Entre art et religion, “Sheikh Jackson” aborde la crise d’adolescence avec humour et profondeur

Comment accepter la mort d’un être cher quand on est un adolescent? Comment un jeune amoureux de la vie et de la danse du chanteur américain Michael Jackson bascule vers l’extrémisme religieux et cherche par tous les moyens à interdire à sa fille de 5 ans d’écouter des chansons occidentales? C’est autour de ces interrogations que le film du réalisateur égyptien Amr Salama “Sheikh Jackson” a voulu répondre.

Projeté, hier mardi, à guichets fermés, le film débute par la voix off du personnage principal le cheikh Khaled parlant à son psychologue et cherchant à comprendre l’origine de ses cauchemars et hallucinations suite à la nouvelle de la mort de Michael Jackson le 25 juin 2009 .

Provoquant une crise identitaire chez le religieux musulman, la mort du Roi de la Pop devient le point de départ d’une immersion dans la personnalité tiraillée du personnage principal. Usant de la technique du flashback, le réalisateur Amr Salama brosse le portrait du jeune Khaled qui s’est dévoué à la religion.

Surnommé à l’école “Jackson”, Khaled cultive un amour inconditionnel pour le chanteur américain. La chanson et la danse deviennent pour l’adolescent un refuge pour accepter la mort de sa mère, pour affirmer sa personnalité face à son père et pour séduire sa copine de classe Chirine dont il est amoureux. Face à un personnage magistralement joué par l’acteur égyptien Ahmad Al Fishawy, le spectateur plonge dans l’adolescence de Khaled et suit sa transformation et sa radicalisation religieuse.

En quête d’affirmation identitaire, Khaled, dont le prénom signifie “éternel” en arabe, n’arrive plus à combler le vide laissé par le décès de sa mère à travers les chansons de Jackson La religion vient ainsi prendre la relève pour trouver des réponses à l’absurdité de la mort et marquer en même temps la rupture avec le père.

Au delà des sujets évoqués relatifs à la crise existentielle vécue par le personnage principal, la force du film réside aussi dans la bande sonore du “Sheikh Jackson”. Sans pour autant utiliser les chansons connues du chanteur, le réalisateur égyptien réussit à transposer le monde de Michael Jackson dans la réalité du personnage à travers l’ellipse, le bruitage, les références aux vidéoclips et la danse du chanteur. Le monde de la star américaine devient ainsi un moyen pour le réalisateur pour critiquer une société égyptienne où l’adolescent en quête de liberté et de reconnaissance se trouve face à une société liberticide et conservatrice.

Avec des standings ovations, “Sheikh Jackson” a su toucher le public en parlant avec humour et subtilité de la crise d’adolescence, passage principal et universel pour passer à l’âge adulte.