Ghazi Jeribi : La corruption menace la souveraineté de l’Etat

“La corruption est un phénomène qui menace la souveraineté de l’Etat et détruit l’économie nationale”, a souligné lundi Ghazi Jeribi, ministre de la Justice, ajoutant qu’elle “menace la construction démocratique et affaiblit l’Etat”, à l’ouverture des premières journées franco-tunisiennes de lutte contre la corruption organisées à l’Institut Français de Tunisie (15 et 16 mai 2017) sous le thème “Prévention et répression: la corruption, une exigence démocratique dans un Etat de droit; regards croisés des deux rives de la Méditerranée sur la gestion des risques et les bonnes pratiques”.

“Ce phénomène qui traverse les frontières et n’épargne aucun pays, menace également la stabilité sociale et la sécurité du pays”, a-t-il fait remarquer, soulignant que la Tunisie a adhéré pleinement à la lutte contre la corruption et a mis en place une stratégie nationale de lutte contre ce phénomène.

“Cette stratégie est basée sur la révision de la législation et son adaptation aux principes de la Constitution tunisienne de 2014 et aux conventions internationales ainsi que sur le renforcement des mécanismes de prévention et du dispositif de contrôle”, a-t-il précisé.

Renforcer le rôle des instances indépendantes de régulation…

Selon le ministre, pour lutter efficacement contre la corruption, il convient de renforcer le rôle des instances indépendantes de régulation, engager des réformes profondes dans l’administration tunisienne et promouvoir l’administration électronique, accélérer l’examen des dossiers et raccourcir les délais, garantir l’indépendance de la magistrature et renforcer la formation des juges.

Il a également mis l’accent sur l’importance du rôle des médias dans la lutte contre la corruption tout en évitant la diffamation, les fausses informations et l’atteinte à la vie privée des gens.

Une affaire de tous les Tunisiens…

Ghazi Jeribi a estimé que la lutte contre la corruption est l’affaire de tous, appelant les médias, la société civile, les magistrats, l’administration tunisienne et toutes les parties à y adhérer.

Soutien de la France à la Tunisie…

De son côté, Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France en Tunisie, a souligné l’engagement de son pays à soutenir la Tunisie dans ses efforts de lutte contre la corruption notamment à travers le partage d’expériences dans ce domaine.

“La corruption est un phénomène universel qui pénalise l’activité économique en détournant une partie de l’investissement au profit d’intérêts privés causant préjudice à l’intérêt général”, a-t-il dit, estimant que la corruption favorise des entreprises qui ne sont pas nécessairement innovantes.

“Elle a aussi pour effet de faire fuir les capitaux et les ressources humaines qui vont ailleurs pour chercher un environnement plus stable et plus sûr”, a-t-il ajouté.

La corruption coûte 4 points de croissance à la Tunisie

Pour sa part, Chawki Tabib, président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), a indiqué que la corruption coûte à la Tunisie 4 points de croissance et une perte substantielle au niveau des recettes de l’Etat à cause de l’économie informelle. “Cette question est au cœur des défis de notre pays puisque le peuple tunisien, à travers la société civile et les médias, n’a de cesse de réclamer des actes concrets et des résultats et non des discours et des déclarations d’intention”, a-t-il relevé.

Selon lui, malgré l’adoption en décembre 2016 de la stratégie nationale de lutte contre la corruption et la bonne gouvernance et son inscription dans le pacte de Carthage comme priorité nationale, il reste beaucoup à faire à commencer par doter le pays d’un organe indépendant ayant des prérogatives réelles et des moyens afin qu’il soit capable de mener à bien sa mission.

Volonté populaire et rôle de la société civile

Dans son intervention intitulée “lutte contre la corruption: l’indispensable pression citoyenne”, Eva Joly, avocate au barreau de Paris et députée européenne, a mis l’accent sur l’importance de la volonté populaire et le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption.

“Seule l’opinion publique peut faire avancer les choses”, a-t-elle dit, estimant que la corruption et l’impunité renforcent le sentiment d’injustice qui est le moteur de ces pressions populaires. D’après elle, la lutte contre l’impunité passe par la surveillance de la société civile, l’obligation de transparence et de déclaration des patrimoines des élus et des responsables des services publics et des magistrats. “Des enquêtes doivent être engagées et le public doit en être informé”, a-t-elle insisté.

Une nouvelle étape dans la coopération tuniso-française

Pour Christian Vennetier, magistrat de liaison de l’ambassade de France en Tunisie, les premières journées franco-tunisiennes de lutte contre la corruption sont une étape importante dans la coopération tuniso-française. “C’est une première étape destinée à être renouvelée chaque année jusqu’à l’éradication de la corruption”, a-t-il soutenu.

Pendant deux jours, les participants français et tunisiens débattront plusieurs sujets en rapport avec la corruption comme la prévention de ce phénomène dans les collectivités locales et dans les entreprises, la répression de la corruption et la nécessité d’une organisation judiciaire. L’identification, la saisie, la gestion, la confiscation et le recouvrement des avoirs de la corruption, le rôle des instances et de la société civile dans la lutte contre la corruption, figurent également au programme de ces journées.

A noter que les débats sont retransmis en direct dans les facultés de droit de Tunis, El Manar, Ariana, Sfax et Sousse.