Larbi Chouikha : Les journalistes peuvent conduire une transition démocratique à l’échec

” Le rôle des médias en situation de transition démocratique est plus que déterminant. Il peut conduire la transition à l’échec, tout comme il peut contribuer à sa réussite “, a assuré mercredi Larbi Chouikha, professeur universitaire en sciences de l’information et de la communication.

” Il est absolument indispensable de reconsidérer le rôle du journaliste au double plan professionnel et éthique et d’imposer le respect de la rigueur professionnelle, ce qui fait malheureusement défaut dans certains médias “, a-t-il indiqué en marge d’une conférence à Tunis sur le thème ” pays en crise et liberté de la presse “.

Selon Larbi Chouikha, la transparence éditoriale et financière doit être de mise. La ligne éditoriale et les sources de financement des médias doivent être bien claires, a-t-il souligné, regrettant, à ce propos, de voir de l’argent de couleur politique et religieuse circuler dans plusieurs médias notamment audiovisuels.

” Cela ne fait que compromettre la crédibilité des médias “, a-t-il averti.

Chouikha a également regretté de voir des journalistes confondre information et opinion et animation et journaliste et allant jusqu’à s’ériger en donneurs de leçons. ” C’est la liberté de la presse et le métier de journaliste qui vont en pâtir “, a-t-il lancé.

” Bien qu’elle soit classée 97e à l’échelle mondiale en matière de liberté de la presse au titre de l’année 2017, la Tunisie est encore confrontée à quelques problèmes “, a de son côté souligné Yasmine Kacha, responsable du bureau Maghreb de Reporters Sans Frontières (RSF).

Les pressions exercées sur les journalistes, les restrictions imposées à la liberté de la presse, l’imperfection du cadre juridique régissant la profession, les conflits d’intérêt au sein des institutions médiatiques et l’instrumentalisation des médias à des fins d’influence sont autant d’irrégularités qui entachent le secteur de l’information, a-t-elle déploré.

Pour Florence Minery, directrice adjointe Méditerranée Asie à l’agence française de coopération Médias CFI, les journalistes ont un rôle crucial en situation de guerre ou de conflit. Ils sont appelés à révéler les abus et à instaurer un débat propice à la réconciliation et au règlement des tensions, a-t-elle dit.

Dans un contexte de crise, les médias doivent rester à l’écart de toute mainmise gouvernementale, économique ou politique, a-t-elle estimé, mettant l’accent sur l’impérieuse nécessité de garantir la sécurité des journalistes et de mettre fin à la culture de l’impunité en cas d’agression ou d’assassinat des journalistes.

Organisée par CFI en partenariat avec l’agence Tunis-Afrique-Presse (TAP) et RSF, la conférence est l’aboutissement de deux projets lancés en 2016 et 2017 ” HIWAR, regards croisés sur le journalisme libyen ” et ” ILYM, Irak, Libye, Yémen Médias ” qui ont ciblé une vingtaine de journalistes libyens, yéménites et irakiens.

La conférence a été une occasion pour échanger et appréhender de façon concrète l’essence de la profession de journaliste, sa place dans l’édifice démocratique et les moyens de protéger la liberté de la presse et la liberté d’expression en contexte de crise.