Que se passe-t-il (encore) à Sfax? La deuxième ville de Tunisie, capitale économique qui représentait auparavant un pôle de compétences universitaires, où l’engagement social et l’esprit entrepreneurial s’exprimaient le mieux et plus, est devenue une no man’s land. Une ville qui souffre d’une récession économique, d’un environnement physique déplorable, de services communaux absents, sans oublier la démission et l’indifférence de ceux censés défendre les intérêts de la ville, qu’il s’agisse de députés, de dignitaires, de représentants de la société civile et encore de la population.
Quand est-ce que les autruches relèveront-elles leurs têtes pour voir ce qui se passe dans cette ville qui dépérit à vue d’œil?
Le dernier scandale en date concerne l’Association régionale caritative de Sfax, théâtre de sévices à l’encontre de ses pensionnaires. L’association, dont la vocation est, en principe, de prendre en charge les personnes âgées et de s’en occuper en leur offrant les meilleures conditions d’hygiène et un cadre de vie confortable, est devenue pour eux l’enfer sur terre.
S’y étant rendu en visite inopinée la semaine dernière, la ministre de la Femme a été effarée par la situation catastrophique dans laquelle vivent ces vieilles personnes, abandonnées de tous, mal nourries, mal logées et à la santé chancelante. «Nous avons trouvé trois personnes dans un état de santé déplorable, l’une était dans un état comateux. Une ambulance a dû les transporter en urgence à l’hôpital».
La ministre, qui a voulu prendre les choses en main, a été confrontée à la résistance de «l’esclavagiste» du lieu qui a nié les fait et affirmé assurer un cadre convenable et agréable aux habitants du lieu. Pire, une responsable du ministère a subi des menaces sur son portable si l’on se hasardait à déloger les retraités et à dissoudre l’association: «Nous vous balafrerons le visage ainsi que vos enfants si vous insistez pour», lui a-t-on dit
Quoi de plus normal dans un pays où les mafias sont devenues légion, où les gouverneurs n’ont plus de pouvoir et où la justice ne sait plus quoi faire ni comment faire face à une montée jamais vécue de l’histoire de la Tunisie des escrocs et des vils combinards de toutes parts.
Les enjeux d’ordre financier sont importants dans la maison de retraite de Sfax. Car en plus du patrimoine immobilier et autres possessions hérités et gérés par l’Association ainsi que les 101.000 dinars de subventions offerts par le ministère, on exige de tous les candidats à un «lit», un acte d’abandon de tous leurs biens en faveur de ladite association (voir document ci-joint).
Vendredi 31 mars 2017, une délégation de volontaires, dont des médecins, s’était déplacée à Sfax pour y déloger les pensionnaires et les mettre dans des endroits plus sains. Ils ont reçu une fin de non-recevoir de la part du «maître des lieux», auparavant simple directeur exécutif qui s’est imposé en tant que président de l’association après sa retraite. Le projet est des plus juteux!
Pour contrecarrer la décision de la ministre de changer les administrateurs défaillants, le même monsieur aurait acheté des meubles et monté des vidéos où ses pensionnaires auraient prétendu être très heureux. Comme s’ils avaient le choix d’exprimer autre chose que ce que leur bourreau leur demandait.
L’association régionale caritative de Sfax existe depuis le début du 20ème siècle. Elle a toujours été un refuge pour les démunis, et les personnes âgées qui n’ont pas de familles ou encore celles qui ont été abandonnées par leurs familles. Aujourd’hui elle est devenue un endroit où ces personnes vulnérables sont traitées comme des animaux.
Elle n’est pas la seule où l’on agit ainsi. En l’absence, depuis 7 ans, de contrôle et de sanctions de la part des autorités de tutelles à l’échelle régionale et nationale, les dirigeants de ces associations agissent comme des esclavagistes et les managent comme si elles étaient leurs possessions.
Non mais où allons-nous dans cette nouvelle Tunisie «démocratique», la pseudo-démocratie se serait-elle substituée à la morale et aux valeurs humaines?
Quand est-ce que les élus qui se complaisent dans leurs voyages, discussions byzantines et petites combines s’occuperont-ils réellement des affaires du peuple et de ses souffrances quotidiennes?