Abrogation de la loi 52 : Prévenir et guérir sans exclure la sanction pénale

Le projet de loi abrogeant la loi n°92-52 du 18 mai 1992 relative aux stupéfiants vise essentiellement à harmoniser davantage la législation nationale en matière de lutte contre les stupéfiants avec les Conventions internationales ratifiées par la Tunisie, et à renforcer le volet préventif, a affirmé, mardi, la ministre de la Santé Samira Meraï.

Meraï s’exprimait lors d’une audition devant la commission de la législation générale relevant de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) consacrée à l’examen du projet de loi sur les stupéfiants.

Ce projet de loi a également pour objectif, a-t-elle expliqué, d’adopter une nouvelle approche qui fait prévaloir la prévention et le traitement de l’addiction, en encourageant l’initiative spontanée de demander une prise en charge par le consommateur de stupéfiants, et en mettant en place des mécanismes qui lui offrent un traitement alternatif et une couverture sociale.

“Le caractère répressif et pénalisant lié est maintenu dans ce projet de loi en ce qui concerne le trafic de substances illicites”, a insisté la ministre, ajoutant qu’il prévoit l’intégration de nouvelles techniques d’investigation sur les crimes liés à la drogue, à l’instar de la livraison surveillée, l’infiltration des réseaux criminels et l’écoute téléphonique.

S’il est adopté par l’ARP, le projet de loi permettra la création d’un Observatoire national de statistiques, d’information, de documentation, d’études et de recherches sur les stupéfiants, qui relève de la présidence du gouvernement, et qui sera baptisé “Observatoire tunisien sur les drogues et la toxicomanie”.

Il énonce, en outre, la mise en place, au sein du ministère de la Santé, d’une commission nationale de prise en charge et d’encadrement des consommateurs de stupéfiants, ainsi que de commissions régionales similaires qui appuient le côté préventif et curatif, veillent à l’application du traitement et du suivi médical et assurent la coordination avec les autorités judiciaires en charge du dossier.

En vertu de cette loi, les consommateurs de drogue auront accès au mécanisme curatif tout au long de la phase de l’investigation et du procès, sur avis justifié de la commission régionale précitée. La loi fixe, en outre, la manière et les frais de prélèvement des échantillons, et le déroulement de l’examen biologique visant à déceler la substance illicite.

Les textes d’application de la loi sont actuellement en cours d’élaboration, a indiqué la ministre.

“Nul n’est à l’abri de la drogue. Les enfants sont piégés en leur glissant des substances illicites dans les boissons ou la nourriture. Ce phénomène en fait des cibles, pour atteindre aussi leurs parents. Chaque dollar dépensé sur le traitement d’un toxicomane permet d’économiser sept dollars s’il reste dépendant”, a plaidé la ministre en réponse aux interventions des membres de la commission de la législation générale, qui soulignaient l’impératif d’imputer les frais de prise en charge médicale au toxicomane et non pas à l’Etat.

Pour Samira Meraï, le dossier de la toxicomanie doit être abordé de manière pluridimensionnelle, où l’aspect préventif répond à une stratégie nationale qui implique toutes les parties, sans pour autant occulter le caractère curatif et dissuasif. “La prison n’est certainement pas la solution”, a-t-elle dans ce sens insisté.

En réponse à la question du député du Front Populaire Ahmed Seddik sur le coût du traitement et sur la disposition du ministère de la santé à mettre en application ce projet de loi, Merai a précisé que le coût du traitement d’un toxicomane est de 70 dinars par jour, tandis que le coût de l’analyse biologique est de 200 dinars.

S’agissant de la disposition du ministère de la Santé à assurer les soins et l’accompagnement nécessaires aux toxicomanes, la ministre a indiqué que son département projette de développer des centres régionaux de désintoxication à travers la réouverture du centre “Amel” de Zaghouan, le développement du centre “Tina” à Sfax et le renforcement du centre de Monastir.

D’autres centres de prévention et d’accompagnement, prévus par le plan de développement 2010-2016, seront ouverts à Ben Arous, Jendouba et Sidi Bouzid, a-t-elle encore affirmé.

De même, et dans le cadre du projet d’appui au développement régional inclusif (2016/2017) réalisé en partenariat avec la Banque Africaine de Développement (BAD), la ministre de la santé a mentionné l’ouverture de 4 centres de rééducation et de réinsertion ainsi que de 6 centres d’écoute et d’orientation au profit des toxicomanes.

Le ministère de la Santé a démarré la formation en toxicologie de 85 médecins à Tunis, 25 médecins à Sfax, et 25 médecins à Monastir, a déclaré la ministre, signalant que 300 parmi les 842 produits stupéfiants répertoriés dans le monde, circulent en Tunisie.