Le projet de loi relatif à la dénonciation de la corruption et à la protection des dénonciateurs est à revoir a indiqué, mardi, le président de l’Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption (INLUCC), Chawki Tabib.
” Ce projet de loi contient des failles juridiques qui ne font que freiner le processus de dénonciation et décourager les dénonciateurs “, a expliqué Tabib, dans une déclaration aux médias à l’issue de son audition par la Commission des droits, des libertés et des relations extérieures au sein de l’ARP dans le cadre de l’examen du projet de loi.
En plus de la protection des experts et des témoins d’actes de corruption, il faut assurer la sécurité des dénonciateurs, a-t-il dit, relevant la nécessité de faciliter les procédures de dénonciation et de donner plus de pouvoir à l’INLUCC et à l’instance constitutionnelle qui devra la remplacer.
Critiquant certains articles de ce projet de loi lors d’une réunion avec la Commission, le président de l’INLUCC a jugé que la contrebande et le financement illicite des associations sont des crimes qui doivent être inscrits dans la liste des actes de corruption dès lors qu’ils sont en lien avec la corruption et le terrorisme.
L’article 7 a suscité, dès le début, une vive polémique, précise Chawki Tabib. Ledit article dispose que la dénonciation des actes de corruption doit être déposée auprès des autorités de tutelle. ” Or, dans la plupart du temps, quand on dénonce un acte de corruption au sein même de l’administration; le risque étant de ne pas aboutir à une enquête.
L’obligation de passer par l’administration concernée est, par ailleurs, insensée “, explique Tabib, estimant que c’est au dénonciateur de choisir où déposer sa plainte, auprès de l’administration de tutelle, de la justice ou de l’instance.
S’opposant au traitement exceptionnel des actes de corruption dans les domaines de la sécurité et de la défense, Tabib a appelé à la suppression de l’article 11 qui dispose que le dénonciateur doit obligatoirement passer par l’administration de tutelle quand il s’agit d’un acte de corruption dans le domaine de la sécurité. ” Cette exception n’a aucune justification “, selon Tabib.
L’article 18 freine, quant à lui, le processus de dénonciation, ajoute Tabib. Il exclut la possibilité de garder l’anonymat. Le fait d’exiger du dénonciateur son identité conduira, selon Tabib et certains députés, à l’exclusion d’une partie importante des dénonciateurs qui préfèrent garder l’anonymat. Selon lui, il faut, également, désigner une personne physique ou morale qui soit responsable de garder l’anonymat du dénonciateur pour pouvoir, en cas de dépassement, la responsabiliser.
Tabib a, par la même occasion, critiqué le fait de laisser le choix au dénonciateur d’accepter ou de refuser la protection.
L’article 35, relatif à la récompense, a également été critiqué. Tabib a proposé la mise en place d’une structure qui soit responsable de l’attribution de cette récompense et de la définition des critères de son attribution et son montant.
Le montant des amendes infligées à ceux qui dévoilent l’identité des dénonciateurs a également fait débat. Selon Tabib, il existe une grande différence entre les peines infligées aux dénonciateurs malveillants et celles infligées à ceux qui dévoilent l’identité des dénonciateurs. En effet, le montant de l’amende infligée à ceux qui dévoilent l’identité du dénonciateur varie entre 100 et 1000 dinars (article 41). Or les dénonciateurs malveillants risquent de subir, selon l’article 45, des peines extrêmes conformément à l’article 142 du code pénal.
” En gros, pour pouvoir lutter contre la corruption et pour que la loi sur la lutte contre la corruption soit efficace, Il faut faciliter les procédures de dénonciation, protéger les dénonciateurs, donner plus de pouvoir à l’instance et réviser les peines infligées à ceux qui dévoilent l’identité du dénonciateur “, conclut Tabib.
Cet avis était partagé par la plupart des députés favorables à la révision dudit projet de loi qui ne permet pas, selon certains d’entre eux, de lutter contre la corruption.
Pour le député Taoufik Jomli, ce projet de loi doit être réécrit. ” Nous devons s’attendre à une grande objection de la part du gouvernement “. Bochra Belhadj Hmida a, pour sa part, insisté sur la nécessité de protéger les familles des dénonciateurs qui peuvent être menacées par des actes de vengeance.
Il est à noter que la Commission auditionnera, cet après midi, dans le cadre de l’examen dudit projet de loi, le représentant de l’Instance nationale de protection des données personnelles. Ce projet de loi qui a été soumis à l’ARP depuis octobre dernier contient 46 articles répartis sur 5 différents chapitres.