Tunisie – IVD : Deux projets de budget sur la table de la Commission parlementaire

Nous présenterons bientôt un rapport détaillé et des recommandations sur le projet de budget de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) à la Commission des finances a annoncé, mercredi, le président de la Commission parlementaire des droits, des libertés et des relations extérieures, Imed Khemiri.

En marge de la séance d’audition de la présidente de l’Instance, Sihem Ben Sedrine, consacrée à la discussion du chapitre 32 du budget de l’Etat, Khemiri a affirmé que la commission veillera à ce que l’Etat accorde le budget nécessaire à l’IVD pour qu’elle puisse achever ses enquêtes.

Le budget de cette instance a fait polémique : Ben Sedrine avait, en effet, invité les députés à discuter d’un projet de budget préparé par l’IVD, différent de celui que le ministère avait soumis aux représentants du peuple.

Face à un budget de 27 millions de dinars demandé par l’instance, le ministère n’avait accordé que 10,9 millions de dinars. ” Ce budget est insuffisant et ne couvre même pas les charges salariales qui s’élèvent à 17 millions de dinars “, a indiqué Ben Sedrine.

Cette année, l’IVD compte 580 employés (119 en 2015) dont 30 archivistes. Ce chiffre évoluera d’ici le mois de décembre pour atteindre les 610 employés, a dit Ben Sedrine. ” Pour l’audition, nous avons aménagé 110 bureaux d’audition dans 9 centres régionaux. Dans chaque bureau, il y’a au moins 2 fonctionnaires”, a-t-elle argumenté.

” Compte tenu du fait que l’IVD doit achever tous ses travaux dans un délai maximal de 18 mois, elle doit traiter, dans les plus brefs délais, 30 000 plaintes sur un total de 65 000 plaintes déposées jusqu’au 15 juin 2016 “.

Selon Ben Sedrine, 4% des dossiers ont été rejetés au niveau du tri. ” Après l’audition, nous transférons le dossier à la commission d’investigation. Après 10 600 séances d’audition à huis clos, l’IVD commencera, le 17 novembre 2016, les séances d’audition publique. ”

Ben Sedrine a insisté sur la nécessité de présenter et discuter le rapport financier de l’IVD en plénière devant les représentants du peuple. ” J’appelle tous les députés à nous inviter et à discuter avec nous de notre rendement “, a-t-elle proposé. Critiquée pour n’avoir pas présenté un rapport, Ben Sedrine a affirmé qu’elle a déposé le 20 mai 2016 le rapport auprès du président de l’ARP et lui avait demandé de tenir une séance plénière. ” Le 8 juillet, le rapport a été distribué à tous les députés. ” a-t-elle tenu à préciser.

Selon Sihem Ben Sedrine, l’article 64 de la loi organique 2013-53 du 24 décembre 2013, relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, stipule que l’instance prépare son budget et le soumet à la partie gouvernementale avant de le transmettre au pouvoir législatif pour approbation. Les règles d’ordonnancement et de tenue des comptes de l’instance ne sont pas soumises au code de la comptabilité publique. De ce fait, le budget ne peut en aucun cas être préparé par le pouvoir exécutif.

Cet avis partagé par certains députés dont Imed Daimi et Karim Helali, a été contré par la plupart des députés qui ont refusé de discuter du budget préparé par l’IVD. En Effet, Sihem Ben Sedrine avait critiqué le projet de budget préparé par le ministère des Finances ” Le ministère n’a pas pris en considération nos besoins et ne nous a pas invité à discuter de sa proposition qu’après sa mise en place “, a-t-elle expliqué.

La député Mehrezia Laabidi, a précisé que les députés membres de la commission peuvent s’appuyer sur le projet préparé par l’IVD mais ils ne peuvent en aucun cas l’adopter comme projet officiel et ne pas tenir compte de celui du ministère ” Nous avons besoin de connaître l’origine du problème pour pouvoir discuter du nouveau budget. Il y a une contradiction entre le nombre des employés dans les deux budgets de l’instance, celui présenté par l’IVD et celui du ministère “.

Concernant le contenu du budget proposé par l’IVD, certains députés ont relevé une masse salariale exagérée, des dépenses et des équipements qui ne sont pas nécessaires et surtout des “recrutements douteux et des processus de recrutement flous”. Pour le député Taoufik Jomni, 10 millions de dinars est un budget insuffisant, certes. ” Cependant, le budget que vous avez proposé est également énorme “, dit-il en évoquant les dépenses consacrées à la publicité qui s’élève à 1,5 MD. Selon le député Hassan Laamari, 63% du budget demandé est consacré aux salaires des employés : ” le budget demandé par l’instance s’élève au budget alloué à l’ARP. Ce ne sont pas à travers les réceptions et les diners de travails que cette instance établira la dignité “, a-t-il ironisé.

En réponse à certains députés qui ont critiqué la crédibilité de l’instance auprès des citoyens tunisiens, Ben Sedrine a indiqué que selon une étude réalisée par le PNUD et l’INS, 80% des Tunisiens ont confiance en l’IVD.

Rappelons que l’instance Vérité et Dignité a connu une vague de démissions sur fond de crise enclenchée entre la présidente Sihem Ben Sedrine et certains membres de l’instance mécontents. Avec seulement 9 membres restants, l’Instance Vérité et Dignité perd sa légitimité, selon l’ancien vice-président de l’Instance (IVD), Zouhair Makhlouf.