Travailleuses agricoles : Une main-d’œuvre saisonnière sans couverture sociale

Chaque jour, aux premières lueurs de l’aube, les travailleurs des champs, femmes, jeunes filles et même enfants de Tebourba, Jedeida, El Batan, Borj El Amri et Mornaguia (Manouba) se lèvent en toute hâte pour ne pas rater les voitures qui viennent les conduire chaque jour aux champs agricoles.

Ils cueillent tomates, poires et autres productions agricoles qu’offrent les vastes fermes de la région. Leur seul souci c’est de subvenir aux besoins grandissant de leurs familles respectives et faire face aux dépenses de la rentrée scolaire, de l’ Aid et autres occasions qui arrivent souvent en été, comme les cadeaux de mariage, de circoncision…

Une main-d’œuvre saisonnière qui n’a pas de couverture sociale et n’est affiliée à aucun syndicat. Profitant de ce vide, l’employeur et parfois même les intermédiaires fixent librement les règles du jeu.

Selon plusieurs femmes rencontrées, le salaire d’une journée de travail oscille entre 13 et 15 dinars.

La cinquantaire, Rebh Ghanmi élève toute seule ses quatre enfants après le décès de son mari. Elle cueille les melons à Jedeida. Elle considère que ce qu’elle perçoit ne récompense pas les huit heures de travail endurées chaque jour sous une chaleur de plomb et souvent sans interruption sauf pour le déjeuner.

Habiba Aloui, une veuve de 65 ans se déplace d’une ferme à une autre pour cultiver la terre et planter différents types de légumes et fruits. Un savoir-faire qu’elle a appris à maitriser au fil des ans. Elle ne se plaint ni ” des conditions de travail abrutissantes ni de l’exploitation matérielle de l’employeur ” du moment où elle arrive à subvenir à ses besoins.

Najia Fatnassi travaille avec son mari dans une ferme à El Batan. Pour elle, l’exploitation matérielle des travailleurs concerne aussi bien la femme que l’homme. Quand on est dans le besoin on ne pense plus aux droits a-t-elle relevé.

Des jeunes travailleuses âgées entre 18 et 22 ans ont soulevée le mauvais traitement et les conditions de transport.

Lamia Dridi (22 ans) avait commencé avec la modique somme de six dinars la journée quant elle a choisi de quitter l’école. Mais Rihab travaille seulement durant les vacances d’été dans une unité de production des tomates séchées pour assurer les dépenses de la rentrée scolaire.

Selon une source de l’inspection du travail à la direction régionale des affaires sociales à La Manouba, la majorité des travailleurs saisonniers en agriculture à Manouba sont des femmes. Et peu d’enfants travaillent dans les champs durant l’été.

Malgré les dépassements constatés, le nombre des plaintes déposées auprès des services d’inspection reste très réduit. Ce qui explique, a ajouté la même source, le souci de cette catégorie de main-d’œuvre d’avoir une source de revenu et de préserver son emploi malgré tout.

Et de préciser que le code de travail et la convention collective cadre dans le secteur agricole au titre de 2015 assurent une couverture juridique à cette catégorie. Le problème c’est que certains petits agriculteurs continuent à recruter les travailleurs en dehors des canaux juridiques officiels et en l’absence des conditions les plus rudimentaires de la sécurité au travail.

Le manque de moyens pour assurer le contrôle en permanence des dépassements et abus a été également soulevé.

La source qui a été contactée par l’Agence TAP dans la région a indiqué que l’unité régionale d’inspection compte avec les quatre unités locales de Tebourba, La Manouba, Mornaguia et Douar Hicher seulement 10 inspecteurs.

Les terres agricoles de La Manouba ont besoin de milliers de travailleurs pour les activités de labour, plantation, irrigation et cueillette de la récolte (olives, pommes, pêche, poires, raisins, pommes de terre, tomates et artichauts).

Selon le rapport du service de la production végétale au commissariat régional à l’agriculture, la saison agricole 2016/2017 fournira 345 journées de travail et demande 7500 travailleurs, spécialement, pour les récoltes.