Par quel moyen la démocratie en terre d’Islam est-elle en mesure de se développer? L’expérience indonésienne, un thème largement abordé lors d’une conférence, organisée jeudi au Palais Dhiafa à Carthage par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES).
La conférence intitulée “Indonésie, Islam et Démocratie” a été animée par l’indonésien Azyumardi Azra, historien et spécialiste dans les études relatives à l’Islam et à la démocratie, depuis plus de vingt ans, ayant à son actif vingt trois publications autour de l’Islam.
Mettant en avant l’importance du régime démocratique par rapport aux autres régimes théologiques basés sur la religion islamique ou les régimes totalitaire et militaire dans lesquels l’Etat accapare les libertés individuelles, il a tenu à souligner dans son intervention que “la démocratie est à elle seule capable de consacrer la pluralité et la liberté de choix”.
Cependant, il reconnaît que même si la démocratie crée un climat de rivalité entre partis politiques afin d’arriver au pouvoir au milieu de multiples formes de tiraillement, il demeure vrai que “la démocratie réussie est celle qui tient ses promesses, malgré son échec parfois dans l’amélioration des conditions de vie des citoyens et par conséquence à honorer ses engagements envers eux”.
Azra constate que “les démocraties libres telles que celles appliquées en Indonésie et en Tunisie font face à des problématiques liées à leur incapacité à résoudre les difficultés des gens, qui seraient portés à vouloir changer les régimes en place”. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en Indonésie, à une certaine époque, où “on a senti une certaine nostalgie pour le régime militaire de Soeharto”, qui avait gouverné de 1967 à 1998. Un régime qui était alors “marqué par la prospérité”, dit- il, tout en admettant: “actuellement, la situation en Indonésie est agitée”.
C’est pourquoi, il est nécessaire, a-t-il ajouté, d’adapter la démocratie aux exigences du citoyen, autrement, “ils se retourneront contre elle”.
Près de 88 pc des Indonésiens sont de confession musulmane et 99 pc d’entre eux sont de branche sunnite, mais ceci n’a pas empêché la Constitution du pays à reconnaître les droits des minorités des six autres religions telles que les boudhistes, les hindous ainsi que les chrétiens catholiques et protestants.
Par rapport aux autres musulmans, “les indonésiens se distinguent par la pratique d’un Islam pluraliste et diversifié”, estime Azra qui vit dans une société qui ne voit pas d’inconvénients “à célébrer les fêtes des autres religions à l’instar des Pâques chez les Chrétiens”.
L’Indonésie est selon lui, “n’est ni un Etat laïque ni théologique, c’est un pays qui a instauré les bases d’une société pluraliste formée de plusieurs cultures et religions”. Et ce qui fait le rayonnement de “ce vaste pays qui de l’avis de plusieurs observateurs occidentaux a réussi le miracle d’unifier les religions sur les bases d’une solidarité nationale et humaine, inspirées des nobles valeurs de l’Islam.”
En guise de conclusion, il a tenu à préciser que les Indonésiens sont “totalement convaincus qu’il n’y a aucune opposition entre Islam et Démocratie”. Pour preuve, “la femme jouit d’une place privilégiée dans la société indonésienne et a pu se placer dans les plus hautes responsabilités politiques”.