Après le mercredi du 18 mars 2015, l’ancien musée alaoui, le musée du Bardo demeure désormais un lieu de mémoire, plus que jamais célèbre.
Passage incontournable pour toutes les personnalités lors de leurs visites en Tunisie, le musée est devenu une destination et un lieu de recueillement à la mémoire des victimes dont 21 touristes étrangers et un policier tunisien.
Dix ans auparavant, le musée accueillait 50 mille personnes par mois. Après l’attentat, le nombre de visites a chuté, selon plusieurs témoignages sans pour autant avoir donné des chiffres précis.
Les journées du samedi et surtout du mercredi de chaque semaine, le musée accueillait des croisièristes qui font escale au port de la Goulette.
Bien que l’impact de l’attentat ait été lourdement ressenti dans le secteur du tourisme et surtout auprès des armateurs, le musée est devenu une destination prisée par les citoyens tunisiens : l’attentat aurait réconcilié les Tunisiens avec leur patrimoine puisqu’ils affluent au cours de le semaine pour découvrir des richesses et des trésors qui demeurent peu ou mal connues dans l’ancien palais beylical inauguré le 7 mai 1888, l’un des musées les plus importants de la Méditerranée.
Datant aujourd’hui de 128 années, le musée du Bardo recèle de riches collections après les nombreuses découvertes et fouilles entamées depuis le 19ème siècle dans tous les coins du pays.
Voici un aperçu de quelques pièces témoins de l’histoire de la Tunisie à l’époque des âges de la pierre, du temps de Carthage, des époques romaine, vandale, punique, byzantine et arabo-islamique :
1/ Hermaion d’El Guettar: Il s’agit d’un cairn, en provenance d’El-Guettar, qui se présente sous forme d’un cône régulier ayant une hauteur d’environ 75 cm et un diamètre de 1m50. C’est la plus ancienne manifestation culturelle de l’Humanité d’âge moustérien (plus de 40.000 ans).
2/ Monnaies puniques: Ces pièces en or, découvertes en 1973 à Bulla Regia datent de 255-244 av. J.C. Elles font partie d’un trésor, caché dans un vase à anse en céramique tournée, qui était constitué de bijoux, de pièces de monnaie en bronze et en or frappées à Carthage dans la deuxième moitié du IIIème siècle av. J.C.
3/ Oenochoé à bec tribolé orné d’une tête humaine: il s’agit d’un objet de poterie, découvert à Henchir Beni Hafa près de Bizerte. Datant du 3ème siècle av. J.C, il est fait en terre cuite et mesure 31 cm de hauteur et 18,5 cm de diamètre.
4/ Baal Hammon assis sur son trône: Découvert sur les vestiges d’un sanctuaire consacré au culte du Seigneur Baal Hammoun lors des fouilles de Thinissult près de Bir Bouregba. Cette figure date du 1er siècle après J.C. Faite en terre cuite, la figure de 38,5 m sur 23,6 m représente le Maître du temple assis sur un trône, vêtu d’une ample robe, porte la coiffure à plumes et levant la main droite bien ouverte en signe de bénédiction.
5/ Masque souriant: Il provient de Carthage et date du début du 5ème siècle avant J.C. Les carthaginois déposaient des masques de terre cuite dans l’espoir d’assurer aux morts paix et quiétude.
6/ Neptune et les quatre saisons: Cette pièce de mosaïque provenant de la Chebba date du 2ème siècle après J.C. Neptune, mesurant 4, 85 m sur 4,60 m, figure debout dans son char, entouré des saisons, quatre belles jeunes femmes sensuelles qui dépendent de ce dieu de la mer et protecteur des sources de la vie.
7/ L’empereur Vespasien: Dans cette pièce provenant de Bulla Regia et datant de 69-79 après J.C, le portrait de Vespasien est représenté à la fin de sa vie avec un front dégarni et le visage ridé.
8/ L’empereur Hadrien: Une pièce en marbre provenant de Carthage date de 117-138 après J.C. L’empereur Hadrien Héroïsé est représenté nu, un large manteau drapé jeté sur l’épaule en signe de pouvoir suprême.
Sarcophage de l’enfant initié et des quatre saisons personnifiées: Cette pièce provenant de Carthage date du début du 4ème siècle après J.C. La face antérieure ressemble à un tableau encadré qui met en valeur le portrait de l’enfant défunt vêtu du pallium des philosophes. De part et d’autre du défunt, les saisons regroupées par deux évoquent une idée de résurrection.
10/ La mosaique “exploitation rurale”: provenant de Oudhna, la mosaique date du 3ème siècle après J.C. Sur cette mosaïque de 3,98 cm sur 2,70 cm, figurent des scènes de la vie où figure un troupeau de retour à la bergerie, l’activité autour d’un puits et des hommes en train de chasser des fauves et des sangliers.
11/ La mosaïque dite du Seigneur Julius: Cette pièce provenant de Carthage et date du 4ème siècle après J.C. Des scènes de vie quotidienne d’une riche famille sont représentées sur cette oeuvre de 4,50 m sur 5,65 m.
12/ Stèles votives punico-numides: Ces stèles provenant de Ain Maghraoua datent du 2ème siècle après J.C. Trois registres et une coloration riche sont contenus dans ces stèles dédiées à des divinités puniques et gréco- romaines par des africains dont le nom est inscrit en latin.
13/ Virgile et les muses : Une mosaique de 1,23 cm sur 1,22 cm provenant de Sousse et datant du 3ème-4ème siècle après J.C. Elle représente le poète Virgile, entouré de Clio la muse de l’histoire et de Melpomène, la muse de la tragédie, qui avait chanté les amours d’Elissa- Didon, la fondatrice de Carthage, et d’Enée, le prince troyen.
14/ Apollon Citharède : Pièce en marbre provenant de Hammam Darragi date du 3ème siècle après J.C. Elle représente une des répliques antiques d’Apollon mesurant 3,07 m qui reproduit la pièce originale datant du 4ème siècle avant J.C.
15/ Vénus dite Ariane : une mosaïque de 2,80 cm sur 2,09 cm provenant de Carthage et datant du 4ème siècle après J.C. Elle représente Vénus, déesse de l’amour et de la beauté, de la fécondité et de l’abondance qui a été très tôt vénérées en Afrique.
16/ La Concorde : pièce provenant de Bou Ghara date du 2ème-3ème siècle après J.C. Une panthée munie d’une corne d’abondance et la tête couronnée représente la Concorde, divinité romaine très populaire et image de l’empereur qui symbolisait l’unité de l’empire et de ses sujets.
17/ Bacchus et les pirates : Une mosaïque de 5,77cm sur 4,40 cm provenant de Dougga où elle aurait été commandée par un riche bourgeois de la région, qui date du 3ème siècle après J.C. Bacchus-Liber Pater ou Dionysos, dieu de la vigne et de la végétation dont l’enfance a fortement inspiré les mosaïstes est représente en un épisode de l’Odyssée qui relate l’attaque des pirates en mer tyrrhénienne.
18/ Mosaïques épigraphiques : Deux pièces provenant de la Synagogue de Hammam-Lif date du 6ème siècle où est inscrit en hébreu les noms des mosaistes et les circonstances de leur création. La documentation historiographique atteste de la présence juive en Afrique romaine mais aucune trace sur une présence hébraïco-cananéenne avant la conquête romaine.
19/ Rouleau de Torah en parchemin dans un tabernacle en bois richement décoré: Cet tabernacle en bois de forme octogonale et provenant de Tunis, contient la Torah fixée en deux rouleaux autour de supports surmontés d’un lanternon à Colonettes. Dans Carthage romano-byzantine, trios synagogues y ont été identifiées.
20/ “Le Bon Pasteur”: Une pièce provenant de Carthage qui date du 4ème siècle, période à partir de laquelle on assistait à la naissance d’un veritable art Chrétien. Le bon Pasteur est l’un des vocables par lequel Jésus s’identifie.
21/ Inscription vandale: La pièce provenant de Tunis date du 6ème siècle. Cette inscription métrique de 1,60cm de largeur et 0,15cm d’épaisseur raconte la construction des thermes publics de Tunis, l’antique Tynes.
22/ La cuve baptismale de l’église de Vitalis: Sur ce baptistère en mosaique découvert à Sbeitla, sont inscrits les noms des dédicants Vitalis et Cardela qui l’ont fait construire à leur propres frais, suite à la réalisation d’un voeu.
23/ Coupe en céramique ifriqiyenne: de 10cm de hauteur et 20 cm de diamètre, cette pièce provient de Kairouan date du 10ème ou 9ème siècle. Cette coupe à fond blanc et décor vert et brun constitué essentiellement d’un animal central (antilope ou bouc), au galop à la tête tournée vers l’arrière comme s’il cherchait à lire l’inscription en coufique fleuri, portant le mot Allah.
24/ Feuillet de Coran: Ecrit en coufique sur du vélin à grand format oblong vertical (45,5cm sur 31 cm), ce feuillet qui date du 11ème siècle provient de la grande mosquée de Kairouan. Les voyelles sont marquées en rouge, les sukun et les shadda en bleu et les hamza et maddah en vert.
25/ La lanterne d’El Moez: Haute de 1,18 m, cette lanterne en cuivre provenant de Kairouan date du 11ème siècle. Finement ciselée et ajourée, elle porte le nom du fabricant, Mohamed ibn Ali al Qaysi al Saffar et celui du commanditaire, le fameux prince ziride Al-Moezz ibn Badis.
26/ Pièces du trésor de Trabia: En or, provenant du Kef et datant du 11ème siècle. Il s’agit de colliers, pendants d’oreille, plaquettes triangulaires et bracelets. L’artisanat des bijoux a dû être des plus florissants sous les Aghlabides et plus encore sous les Fatimides et les Zirides.
27/ Flacons, Gobelet et Carafe: Datant du 10ème et 11ème siècles, ces récipients d’artisanat en verre proviennent de Sabra al-Mansouriyya. L’artisanat du verre qui utilise spécialement la technique du soufflage à l’air libre ou dans un moule, était florissant dans la Tunisie carthaginoise et romaine puis sous les Fatimides et les zirides et plus tard sous les hafsides.
28/ Stèles funéraires: De forme oblongue, en écriture coufique simple en forme de fût ou gravée dans le marbre datant du 9ème au 11ème siècles. Egalement en forme prismatique ou d’arc brisé outrepassé, ces stèles sont le témoin de l’évolution de l’écriture arabe et son extraordinaire richesse stylistique.
29/ Panneau à Eulogie: Datant de 1801 de 1,65 cm sur 1,95 cm, ce panneau décorait le mur d’un vestibule d’entrée d’une grande demeure tunisoise. Il porte le nom du fabriquant Khémiri. Un arc posé sur des colonnettes enjambe une mosquée à coupoles et minarets surmontant une inscription en six registres en Arabe.
ndlr: Les descriptifs des pièces choisies ont été repris de l’ouvrage “Le Bardo, la grande histoire de la Tunisie” paru aux Editions Alif et rédigé par les spécialistes M’Hamed Hassine Fantar, Samir Aounallah et Abdelaziz Daoualatli.