Tunisie : Volée de critiques contre la décision d’ouvrir le dialogue avec les contrebandiers

L’économiste et ex-président de l’Organisation de Défense du Consommateur (ODC), Mohamed Zarrouk s’est insurgé contre la déclaration du ministre de Commerce, Mohsen Hassen, à une radio locale, concernant la décision d'”ouvrir un dialogue avec les barons de la contrebande”, la qualifiant de “gravissime”.

Le ministre du Commerce a indiqué, lundi à l’antenne de Radio Kelma, “nous allons proposer à la commission nationale de suivi de l’évolution des prix, de lutte contre la contrebande et le commerce parallèle, de lancer un dialogue avec les barons de la contrebande, pour les aider et les accompagner à transiter de l’informel vers les circuits de l’économie formelle, même s’ils ont porté préjudice au pays”.

“Venez, nous allons vous donner des idées de projets, vous trouver des solutions de financement et des solutions légales de commercialisation”, a insisté Hassen, lors d’une émission matinale.

Pour Mohamed Zarrouk, “ouvrir le dialogue avec ces derniers, c’est s’impliquer dans leurs crimes de blanchiment d’argent”, a-t-il déclaré lundi, à l’agence TAP.

“Ce genre de décision touche à la sécurité nationale et à la souveraineté de l’Etat. Comment ouvrir le dialogue avec des contrebandiers qui financent le terrorisme et qui sont responsables de la mort de Tunisiens, d’agents des forces de l’ordre et de l’Armée?”, s’est-t-il indigné.

Et d’ajouter, “ce sont les contrebandiers qui ont porté préjudice à l’économie nationale et affaibli l’Etat et sa caisse de compensation, parce que la plupart des produits de contrebande sont des produits subventionnés destinés aux catégories défavorisées”.

“Le ministre du Commerce aurait du juste veiller à ce que la loi sur la concurrence et les prix, adoptée par l’ARP depuis début septembre 2015, soit appliquée et à ce que la justice suive son cours. L’application de cette loi, qui stipule des sanctions renforcées contre les pratiques anti-concurrentielles (monopole, contrebande…), peut dissuader les contrevenants”.

“Ce genre de décisions affaiblit l’Etat, il ne faut pas se laisser faire”, prévient l’ex-président de l’ODC, estimant que “l’ARP doit réagir et le gouvernement doit prendre les décisions qu’il faut pour lutter contre ce fléau qui ronge et menace l’économie nationale”.

Abondant dans le même sens, Mongi Rahoui, député du Front Populaire (FP) au sein de l’ARP a déclaré à l’agence TAP, «ce sont des mafias protégées par l’Etat. La situation est chaotique. Nous sommes au FP, pour l’application de la loi. Il faut agir avec fermeté et faire appliquer la loi pour lutter contre le fléau de la contrebande qui gangrène l’économie nationale».

Il a qualifié la décision du ministre de Commerce de «frivole» et «ne reflètant pas la position du chef du gouvernement. Je ne pense pas que cette idée de négociation avec les barons de la contrebande ait été soumise à consultation au sein d’un conseil ministériel”.

«Ceci montre que l’Etat n’a pas une vision claire et stratégique concernant la lutte contre la contrebande. Ce dernier a perdu son prestige puisque les gouvernements successifs, au lieu d’incriminer et de sanctionner les contrevenants, ont tenté, à chaque fois, de les innocenter” a t-il martelé.