Le processus de restitution des biens et avoirs tunisiens gelés dans nombre de banques étrangères en général et suisses en particulier, n’a pas avancé d’un iota.
Plus de quatre ans se sont écoulés depuis la chute de l’ex-président Ben Ali sans qu’apparaisse à l’horizon aucune avancée dans le démantèlement d’un tentaculaire réseau de corruption économique et financier.
Preuve à l’appui, d’innombrables affaires en rapport avec ce dossier demeurent bloquées au niveau de l’instruction et ce nonobstant les mandats internationaux émis par les autorités tunisiennes en vue de dévoiler, et partant récupérer les biens et avoirs tunisiens placés dans des banques étrangères.
C’est ainsi qu’en 2011, 57 mandats internationaux ont été émis à cet effet, dont le dernier en date celui adressé par les autorités judiciaires tunisiennes à leurs homologues helvétiques en vue d’enquêter sur les comptes évoqués dans l’affaire dite « Swiss Leaks ».
Dans ladite affaire, une filiale de la fameuse banque Suisse « HSBC » se trouve être pointée du doigt pour avoir sciemment mis à la disposition de sa clientèle un système de fraude et d’escroquerie permettant de bénéficier, dans l’impunité totale, de l’évasion fiscale en usant de « sociétés-écran », en majorité domiciliées dans des paradis fiscaux.
Cette affaire a, grandement, décrédibilisé le système Bancaire suisse et porté atteinte à son image de marque, de même qu’elle a dévoilé l’existence d’un réseau tentaculaire d’agents opérant dans cette banque et déployés à travers 203 pays.
Pour information, la Tunisie est classée 59ème en termes de volume de transactions financières effectuées sur les comptes de cette banque. Avec le concours du réseau ARIJ (Arab Reporter for Investigation journalism) et le Consortium International des journalistes d’investigation (ICIJ), l’Agence TAP est parvenue à dénicher la liste nominative des personnalités, ayant des liens présumés avec la Tunisie, parmi lesquelles figure au premier rang Belhassen Trabelsi, frère de l’épouse de l’ex-président.
Cette liste a fait ressortir les noms de personnes dont les liens avec la Tunisie ont été établis selon les critères de nationalité, de lieu de naissance, de résidence ou d’activités et qui détiennent 679 comptes bancaires appartenant à 256 clients.
La même liste a révélé 230 comptes-courants bancaires contenant des fonds appartenant à 142 personnes physiques et 32 entreprises non-résidentes, selon les enquêtes menées par les autorités françaises sur cet établissement bancaire.
L’objectif de ces investigations étant de statuer sur Des soupçons de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale, d’enrichissement illicite et de fraude bancaire perpétrés au cours de la période s’étalant du 9 novembre 2006 au 31 mars 2007.
Après enquête et investigation, le Consortium International des journalistes d’investigation a réussi à dévoiler un montant global de 544 millions de dollars consignés dans des comptes en rapport avec la Tunisie.
Des noms et des avoirs dissimulant une corruption protéiforme outre les noms souvent relayés dans les médias tunisiens, figurent aussi sur les listes en rapport avec la Tunisie (selon les critères de naissance, de résidence ou de nationalité tunisienne), d’autres personnalités de renommée, dont des hommes d’affaires, des célébrités et cinq membres issus des familles de l’ancien président Ben Ali et de son épouse Leila Trabelsi.
Provenant de toutes les chapelles, ventilées selon la nature de leurs activités, ces personnalités ont la qualité d’hommes d’affaires, de journalistes, d’étudiants en pharmacie, de femmes au foyer, de retraités, de commerçants, de bijoutiers, d’avocats, d’agents bancaires, de médecins et de courtiers de diamants.
Parmi les principaux clients qui ont tiré meilleur profit des prestations servies par cette banque, figurent nombre de personnalités proches de l’ancien régime au sujet desquelles le Conseil fédéral suisse a décrété un train de mesures coercitives tendant à geler leurs avoirs et ressources économiques, dont en premier lieu, Belhassen trabelsi, frère de Leila Ben Ali.
Etabli actuellement au Canada et objet de poursuites judiciaires en Tunisie, Belhassen Trabelsi est aussi co- actionnaire au capital de l’entreprise « Zenade Ressources Limited ».
La plus grande somme placée dans le compte de Trabelsi, ouvert le 22 juin 2006, est estimé à 22083648 dollars, alors que la plus grande somme versée dans les comptes de la société « Zenade Ressources », propriété de Belhassen, est d’une valeur de 2837034 dollars.
Les relevés recueillis dans ce contexte laissent entendre un lien bien établi entre les comptes bancaires de Belhassen Trabelsi et deux dépôts effectués au nom de « Kaffal Trust » et de « The Kassar Trust », sans nulle indication ou détails à leur propos.
Par ailleurs, un suivi minutieux de la traçabilité des Comptes de Belhassen trabelsi a permis de conclure à un lien présumé entre le beau-frère de l’ex-président et l’avocate suisse et représentante de l’entreprise « Zenade Ressources Limited », Me Elie Lindenfeld.
Celle-ci détient à son tour un compte domicilié à la banque « HSBC » au titre duquel des transactions financières ont été effectuées avec Belhassen trabelsi et l’entreprise précitée.
Selon les documents à notre disposition, l’adresse du propriétaire initial du compte bancaire portant le nom de Belhassen Trabelsi lors de l’ouverture de ces comptes, est située au 8 bis rue rue Mustapha Sfar 1002 Belvédère-Tunis et Fattouma Bourguiba-Soukra, Tunis.
D’où le constat suivant : à l’ouverture de ce compte bancaire, le lieu de résidence ainsi que l’activité économique de Belhassen Trabelsi était bel et bien en Tunisie, ce qui laisse entrevoir une violation manifeste de la législation tunisienne régissant l’ouverture des comptes à l’étranger et le transfert des fonds à leur profit.
A consulter le code des changes et du commerce extérieur, force est de relever que l’article 20 du chapitre II, relatif aux obligations de rapatriement des revenus et produits à l’étranger, prévoit que « toute personne physique ayant sa résidence habituelle en Tunisie et toute autre personne morale tunisienne ou étrangère, pour les établissements en Tunisie, est tenue de rapatrier dans les conditions et délais fixés par la Banque centrale de Tunisie l’intégralité des devises provenant des exportations de marchandises à l’étranger, de la rémunération de services rendus à l’étranger et d’une manière générale de tous les revenus ou produits à l’étranger ».
Ces dispositions ont été modifiées par le décret-loi du 24 octobre 2011. Désormais seront « dispensées de l’obligation de rapatriement des revenus, les personnes physiques de nationalité tunisienne revenant de l’étranger et les personnes physiques étrangères résidentes en Tunisie pour leurs avoirs constitués à l’étranger avant la date de changement de résidence ».
Des sociétés fictives établies dans des paradis fiscaux à l’origine du détournement de fonds
Dans le dessein d’alimenter les ressources de ses comptes domiciliés à la banque suisse et dans plusieurs pays arabes et européens, Belhassen trabelsi a eu recours à la malicieuse technique des sociétés-écrans. Parfaite illustration de ces manœuvres frauduleuses, figure le cas des comptes ouverts par Belhassen Trabelsi à la filiale relative aux comptes secrets de la banque SBC.
C’est ainsi qu’au moyen d’opérations complexes, réalisées par le biais d’un intermédiaire en bourse, que Belhassen Trabelsi a lancé deux sociétés-écrans, en l’occurrence « Zenade Ressources Limited » et « Zenade Finance Limited ».
Selon la fiche de présentation publiée sur son site web, l’intermédiaire en bourse en question a pour dénomination société « MAC SA », propriété du groupe kowéitien « Al Kharafi » représenté en Tunisie par l’entreprise d’investissement financier « AL MAL investment Company » (avec un taux de 80% du capital) et Mourad Ben Chaabane.
Procédant par étapes et de manière graduelle, Belhassen Trabelsi a créé en premier lieu la société « Zenade Ressources Limited » en date du 12 avril 1999 avant de lancer, en deuxième temps, la société « Zenade Finance Limited » le 15 septembre 1999, avec la même adresse dans les Iles vierges britanniques dans la mer des caraïbes.
Il ressort des documents de délégation détenus par la Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation, tels que mentionnés dans son rapport de l’année 2012 (pp.206-211), que ces deux entreprises sont représentées en Tunisie par Belhassen trabelsi en vertu d’une délégation signée en bonne et due forme par l’administrateur des deux sociétés et la représentante du bureau d’avocats en Suisse, Me Lindenfeld Elie.
Selon la même commission, l’ex-président Ben Ali serait le propriétaire de l’entreprise « Zenade Ressources Limited ».
Preuve à l’appui, la mention écrite de ses propres mains en langue française selon laquelle « On devient propriétaire de 100% du capital » de la société. Etayant son raisonnement, la même commission pencherait à croire que l’ex-président serait également le propriétaire de la société « Zenade Finance Limited » en raison de la ressemblance de la dénomination des deux sociétés.
Pour ladite commission, l’ex-président a usé arbitrairement de sa qualité et de son pouvoir pour mettre sur pied deux sociétés afin de détourner des avoirs et des biens à l’étranger au moyen d’opérations d’acquisition et de cession de titres de participation dans des sociétés appartenant aux membres de sa famille.
Un tel constat a été corroboré par le président de l’Association Tunisienne de la Transparence et de la lutte contre la corruption, Sami Remadi. Après des recherches de terrain, nulle trace des deux société n’a été trouvée, ce qui corrobore la thèse de sociétés-écrans dépourvues de toute existence juridique réelle, utilisées à des fins de corruption financière et d’évasion fiscale.
Cession de sociétés au profit de sociétés-écrans appartenant à Belhassen trabelsi et le détournement de millions de dollars à l’étranger
Détentrice d’une partie du capital de la société « Etudes et réalisation touristique » (102200 actions), soit un montant global d’une valeur de près d’un million 139 mille dinars qui n’ont pas été effectivement transférés vers les banques tunisiennes, la société-écran « Zenade Ressources Limited » a tiré profit des bénéfices de sa participation au capital de cette société durant les années 2005, 2006 et 2007.
Le produit de cette participation est estimé respectivement à 1 million 898 mille et 328 dinars, à 627 mille 750 dinars et à 1 million 666 mille 759 dinars, ensemble transférés en vertu d’une autorisation n° 603178 en date du 21 aout 2006 émanant du gouverneur de la Banque centrale à l’époque (Taoufik Baccar) au profit du compte de la société domiciliée à la banque suisse sans référence aucune au dossier d’investissement afférent à l’acquisition des titres de participation.
En plus de son compte à la banque suisse HSBC, Belhassen Trabelsi possède d’autres comptes bancaires dans nombre de pays européens et arabes, à l’instar de son compte à la banque BNP Paribas Fortis, filiale Porte de Namur à Bruxelles, son compte à la Banque arabe à Dubaï et un compte commun avec son père à Barclays Wealth en Suisse.
A cela s’ajoute un autre compte domicilié à une des Banques établies au Moyen-Orient et un autre compte à la Banque internationale émiratie en son siège principal à Dubaï, d’après les investigations menées par la commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation.
Il est à noter que la commission avait saisi, le 18 mai et 2 juin 2011, le ministère public aux fins de lui remettre les dossiers en question, assortis de documents et preuves connexes.
Depuis février 2015, l’affaire « SwissLeaks », ne cesse d’enflammer la toile et de préoccuper l’opinion publique internationale dans ce qu’il est communément admis comme étant le plus grand scandale de corruption financière et d’évasion fiscale dans le monde contemporain.
Pour ce qui est du volet « tunisien » de cette affaire, celui-ci est du ressort du pôle judiciaire financier qui a émis un mandat international dans le cadre de la coopération avec la partie suisse, a confié à l’Agence TAP, le magistrat chargé de mission au cabinet auprès du ministre de la justice, Fayçal Ajina.
Et le magistrat d’ajouter « qu’une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de quiconque dont l’implication est avérée par les enquêtes et les investigations menées pour des chefs d’accusation en rapport avec le blanchiment d’argent et des crimes de change.
Le magistrat Fayçal Ajina s’est abstenu de tout commentaire ou détail concernant ces comptes, leurs titulaires, les montants de leurs soldes respectifs ainsi que le produit de l’évasion fiscale qui en découlait, arguant à ce propos du « secret des enquêtes », motif qui revient comme un leitmotiv.