Chiheb Ben Hmed : Les fruits de la révolution du jasmin restent inégalement partagés

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chihebbenhmed-tunisia-transport-directinfoDans une publication, l’ancien ministre des transports, Chiheb Ben Hmed, a fait le parallèle entre la récompense du Nobel de la paix, une récompense au peuple Tunisien pour son exemplarité, et les fruits de la révolution du jasmin qui restent inégalement partagés.

Le prix Nobel de la paix 2015 a récompensé le peuple tunisien, mais défis et les réformes de la justice sociale sont toujours absents.

L’attribution du prix Nobel de la paix au peuple tunisien atterrit dans un climat d’inquiétude et de malaise. Les rues tunisiennes n’ont été la scène d’aucune manifestation spontanée.

Certes, la transition institutionnelle a été sauvée, mais ni les réformes ni la justice sociale ne sont solutionnées. Le pays tardera à se redresser surtout après les deux attentats terroristes, le 18 mars à Tunis et le 29 juin à Sousse, dont les conséquences sont tout autant économiques que politiques.
Le secteur touristique, fortement touché par les attentats terroristes, a continué sa chute infernale avec une baisse de plus de 30 % de fréquentation pour 2015. Sur fond de régression de la croissance, les conflits sociaux se multiplient. L’Utica et l’UGTT, deux des récipiendaires du prix Nobel, sont à couteaux tirés.

L’UTICA accuse l’UGTT d’étouffer l’économie en fuyant leur responsabilité et en encourageant des revendications irréalistes alors que la compétitivité des entreprises tunisiennes plonge dans le chaos.

Cette dernière refuse de son côté que le gouvernement s’attarde à engager des réformes fiscales, qui permettrait d’atténuer le déficit du budget de l’état, et rejette le contexte sécuritaire servant à faire taire les revendications, d’après leurs dires, sous peine de voir de nouvelles explosions sociales bloquer le pays.

Un socle politique fragile

Sur le plan politique, l’esprit du dialogue national s’est prolongé dans une alliance entre le parti Nidaa Tounes et le parti Ennahda. Tous les deux sont décidés à faire passer la stabilité du pays et son intérêt suprême devant l’antagonisme idéologique de leurs électeurs. Malgré cet acquis politique, nous ne parvenons pas à entreprendre les réformes pour redresser le pays.

Ce socle politique est fragilisé par la crise majeure traversée par Nidaa Tounes, déchiré entre courants opposés, moins sur le choix des alliances stratégiques, qu’entre la vieille garde issue de l’ancien parti du pouvoir, les destouriens et le RCD, et l’aile gauchiste. L’éclatement du parti majoritaire ferait resurgir tous les désaccords politiques contenus par le consensus affiché au sommet. La tentative d’assassinat, du jeudi 8 octobre 2018, d’un député de Nidaa Tounes issu des milieux d’affaires est perçue comme un sombre présage.

Une société fracturée

Les opposants à la loi antiterroriste, inquiets de son potentiel liberticide, sont à l’origine d’une fracture qui a frappé en plein fouet la société tunisienne. Les crimes, les attentats et les brutalités sont toujours aussi fréquentes. L’institution sécuritaire peine pour maintenir et entretenir la paix et la sécurité.

Loin d’avoir régressé après le départ des clans mafieux de l’ancien régime, la corruption s’est généralisée et s’est amplifiée. La proposition d’une ”réconciliation économique et financière” promue par la présidence, est perçue par une partie de la société civile, dont l’UGTT, comme une manière de blanchir fonctionnaires et hommes d’affaires corrompus et de reproduire les liens entre classe politique et affairistes.

La fracture entre une grande partie de la société, notamment dans les régions défavorisées à l’origine du soulèvement de 2010, et la Tunisie intégrée dans les circuits économiques et politiques, n’a jamais paru si profonde. Les fruits de la révolution tardent à mûrir et l’inégalité sociale s’amplifie et les régions défavorisées peinent dans l’obscurité.

La Tunisie appelée à adopter un programme de réformes structurelles pour assurer la croissance de son économie

Des réformes structurelles exhaustives sont requises afin de jeter les bases de la transformation de l’économie tunisienne et promouvoir une croissance plus solide et plus solidaire, tout en appuyant l’activité économique et sauvegardant la stabilité macro-économique.

Après une transition politique quasiment-réussie, la Tunisie a toujours du mal à surmonter des défis économiques et sociaux urgents à relever, notamment un taux de chômage élevé et des disparités régionales.

Le potentiel de croissance économique de la Tunisie à court et moyen terme me semble défavorable, (j’espère que je me trompe) avec une immense dette qui va être remboursée à compter de 2016 par l’état tunisien et une conjoncture financière mondiale défavorable qui commence à prendre forme. Ceux que nous appelons, ”puissances économiques” vont forcément ”laisser tomber” les pays émergents, … dont notre Tunisie. Je reste convaincu que c’est mieux pour nous ! De toute façon le résultat, à moyen et à long terme, sera nettement meilleur que celui qui sera proposé par le FMI ou la BM ou nous serons amenés à leur livrer le destin de nos enfants.

Il faut compter sur soi … surtout être à l’attente des espoirs de nos enfants !

Pour contourner, voire même surmonter ces obstacles, il est nécessaire d’adopter un programme de réformes structurelles pour promouvoir les investissements privés. La réalisation d’une croissance plus forte et surtout plus inclusive est nécessaire pour diminuer le chômage élevé, particulièrement parmi les jeunes, et pour réduire les disparités régionales et sociales.

Pour obtenir une croissance plus forte, il faut aussi mobiliser d’importants financements intérieurs, sous forme notamment d’investissements directs et de financements et d’emprunts extérieurs auprès des pays frères notamment, et ”AMIS” … Notre diplomatie économique doit ”mettre le paquet”. Ainsi, la politique budgétaire pourrait appuyer la croissance et l’emploi à court terme, et l’expansion ciblée et souhaitée.

Passant en revue les problèmes auxquels le pays a fait face après sa transition politique en 2011 (chômage, disparité régionale, repli économique, inflation, déficit budgétaire), le FMI a fait état ”de signes d’un rebond de l’activité économique”, au début de l’année en cours, notamment suite à l’amélioration des indicateurs économiques, à savoir le PIB, l’investissements directs étrangers, le tourisme !!! … sans, pour autant, considérer les risques dus à cause de l’instabilité de la situation économique et de la faiblesse de l’environnement mondial.

D’après le FMI, la croissance en termes réels devrait progressivement atteindre 6% en 2017 dans un scénario de référence prenant pour hypothèse la poursuite de la stabilité macro-économique, l’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires, des réformes du marché du travail et du système éducatif !!!

Mais le FMI, a ignoré les risques à court terme qui sont élevés, dont une récession plus grave que prévu en Europe qui s’annonce et qui pèsera lourdement sur les exportations tunisiennes. Il a aussi ignoré l’augmentation des tensions sociales dans le pays qui étaient prévisibles et qui décourageraient les investissements domestiques et étrangers. il a aussi ignoré les contraintes de capacités et des retards dans les financements qui risqueraient de freiner la relance budgétaire envisagée pour soutenir la croissance.

Par ailleurs, le FMI propose de maîtriser les dépenses publiques et de réformer le système de subventions et de pensions. Cela est par contre notre tort, et est de notre ressort.

Le FMI a aussi recommandé d’assurer l’indépendance de la banque centrale dans la conduite des politiques monétaires et de change, de remédier aux vulnérabilités du secteur bancaire, et de s’attaquer aux questions des prêts non productifs et de la recapitalisation bancaire, ainsi que d’améliorer la gouvernance des banques publiques, … une action déjà engagée, et lui souhaitons un accostage à bon port.

Dans le même contexte, le FMI a insisté sur l’importance d’aligner la supervision bancaire sur les normes internationales, et a invité la banque centrale à élaborer une stratégie de sortie pour retirer progressivement son important soutien à la liquidité des banques, tout en continuant à satisfaire leurs besoins de liquidités.

Tout cela reste évidement loin de l’objectif recherché : VIVRE DANS LA DIGNITE.

Je ne veux surtout pas croire que nos problèmes vécus sont d’origines culturelles. Je suis citoyen tunisien et je suis fier de l’être. Je suis né en Tunisie, je ne vivrai qu’en Tunisie et je ne mourrai que chez moi, dans mon pays, ma Tunisie. Chers frères et sœurs, oublions nos différents, œuvrons tous unis pour un seul objectif : redresser notre pays, ne comptons que sur nous mêmes et travaillons trop dur.