«Loosers», c’est ainsi qu’un jeune journaliste a décrit les universitaires tunisiens qui ont enfin décidé de réagir au marasme aussi bien sociopolitique que sécuritaire dont souffre la Tunisie depuis belle lurette et qui a empiré depuis le 14 janvier, en initiant une conférence nationale pour la lutte contre le terrorisme et la défense du caractère civil et démocratique de l’Etat.
«Loosers» ou perdants, cela prouve à quel point nombre de jeunes suffisants et formatés intellectuellement à souhait au national et à l’international sont dans le mépris et la mésestime de leurs aînés. Des générations d’universitaires parmi lesquelles figurent beaucoup d’érudits et militants et qui n’ont rien à prouver en la matière. Ils s’acharnent «à les descendre» et à porter atteinte à leur dignité et leur crédibilité. Il y en a qui le font parce que jeunes et manipulés, et d’autres plus âgés, évoluant dans des milieux économiques et politiques et sont en «mission commandée» pour servir des agendas étrangers et principalement britannico-américains dans la région.
A ceux là et aux autres, le site harunyahya.fr a donné le nom de «Les flagorneurs pseudo-intellectuels». Ils souffriraient, d’après l’analyse, d’un sentiment d’infériorité qu’ils essayent de camoufler «en prenant des airs»… «Ces personnes qu’on trouve souvent dans les pays d’Asie et du Moyen-Orient (en Tunisie aussi, il y en a beaucoup) font de nombreuses concessions insensées pour acquérir du prestige et, pire encore, encouragent les autres à faire de même… Les gens ayant le caractère de flagorneur pseudo-intellectuel sont des outils facilement manipulables pour les agences de renseignement et les divers groupes de réflexion qui sont leur extension… Le système qui les utilise à satiété et est formé généralement de think tank américains et d’agences de renseignement, «satisfait les sentiments comme “être célèbre”, “être dans le même environnement que des gens célèbres”, “être admiré” de ceux qu’ils veulent gagner. Côtoyer des députés, des membres du Parlement, des ministres, en d’autres termes donner l’impression que “vous êtes aussi important” est beaucoup plus important que l’argent pour ces personnes…
Ces personnes profilés par des experts psychologiques et psychanalystes «n’hésiteraient pas à écrire des choses négatives sur leurs propres cercles, sur des proches ou des pays pour entendre le mot “bravo”. Ils dénigrent impitoyablement et rabaissent tout le monde… Ils s’imaginent que plus ils dénigrent leur propre pays comme étant “anti-démocratique”, “arriéré” ou “oppressif”, plus ils produiront des analyses de premier plan. La façon dont un grand nombre d’écrivains discrédite leur propre pays pour des étrangers et regarde de haut leur propre peuple est fondée sur l’envoi du message: «Je suis différent d’eux».
Ces petits extraits de l’étude publiée dans le site que nous avons cité plus haut nous ramène à ce qui se passe sur la scène tunisienne et dans laquelle ce genre d’énergumènes pullule. Une scène assez mouvementée et où l’absence de prises de positions claires de la part d’une intelligentsia universitaire unie par rapport au contexte sociopolitique, sécuritaire et économique du pays fort délicat faisait défaut.
Pendant cinq ans, nous avons entendu ou lu les déclarations sporadiques de certains intellectuels des fois sur les réseaux sociaux ou à travers la presse mais nous n’avons observé aucune posture qui unit tous les universitaires à propos d’une seule problématique.
Aujourd’hui, c’est chose faite! Mieux vaut tard que jamais! Nos intellectuels s’unissent pour une Tunisie stable, sécurisée, civile et démocratique.
Une conférence nationale contre le terrorisme et pour la civilité de l’Etat
A l’origine de cette initiative, Habib Kasdhaghli, qui a refusé de se soumettre au diktat de la Troïka et au chantage d’une nikabée qui l’a accusé de l’avoir giflé. Rappelez-vous l’épisode du drapeau, c’était à la Faculté de la Manouba dont il est à ce jour le doyen.
Les intellectuels tunisiens organisent donc une conférence nationale pour la lutte contre le terrorisme et la défense du caractère civil et démocratique de l’Etat. Une conférence qui se tient au cours de la première quinzaine du mois d’août.
Ils y reviendront sur «les crimes terroristes dont plusieurs touristes et habitants de la ville de Sousse ont été les victimes et les crimes qui les ont précédés qui ont ciblé les hommes politiques, les forces de sécurité, les militaires et des sites à haute valeur culturelle symbolique ne sont que des épisodes en crescendo de la série noire des actes terroristes qui est devenue menaçante pour l’existence de l’Etat, sa souveraineté, la stabilité de la société et sa cohésion».
Ils considèrent que «c’est l’existence d’une doctrine religieuse fanatique et qui excommunie qui a engendré le terrorisme avant et après la Révolution et qui a contribué, pour une grande part, à la propagande pour la violence et le meurtre, au moment même où la Révolution a suscité beaucoup d’espoir dans le changement politique démocratique et dans le changement social couronné par l’avènement d’une société équitable. Il n’y a pas eu de consensus national ni d’union minimale autour d’une stratégie globale pour faire face au terrorisme intellectuel qui s’est développé et a grandi dans les rangs de la jeunesse marginalisée et sans emploi, voire chez les jeunes étudiants».
Ils estiment par ailleurs que «La politique sécuritaire et les mesures annoncées dernièrement et, particulièrement, la confirmation par le président de la République que le pays est en guerre contre le terrorisme, sont des décisions indispensables mais elles ne représentent qu’un pas qui doit être suivi d’autres étapes. Etapes décisives, audacieuses, à court et à moyen terme pour englober également les aspects culturels, éducationnels, sociaux et économiques, et ce pour offrir les conditions et les outils nécessaires pour affronter les dangers du terrorisme.
La lutte contre le terrorisme exige, aujourd’hui, la mise en place d’un système complet et cohérent dans le but d’éradiquer les racines culturelles et doctrinales de ce fléau et conférer à la société l’immunité contre tout penchant extrémiste et de repli sur soi-même.
Le rôle de cette conférence sera l’élaboration de propositions pour «la mise en place d’une vision cohérente pour une nouvelle politique culturelle nationale fondée sur une école qui diffuse les valeurs de la République civile, des livres qui véhiculent l’esprit des Lumières et des médias culturels variés qui raffinent le goût, affinent les talents, développent l’esprit critique et la réflexion.
Cette conférence se déroulera dans le cadre des activités organisées à l’occasion de la célébration de la Fête de la femme. Cette conférence nationale des intellectuels ratifiera un manifeste national au sujet des méthodes de lutte contre le terrorisme et de défense de l’entité tunisienne qui sera adressé au gouvernement et transmis à l’opinion publique. Il constituera, en même temps, la contribution des intellectuels et des créateurs au congrès national autour du terrorisme dont le gouvernement sollicité, a accepté officiellement la tenue en septembre prochain».
Une initiative à saluer d’autant plus qu’elle a été longuement attendue. Il est malheureux que le sport national des Tunisiens d’aujourd’hui soit devenu «Attanbir» et la critique facile et destructrice. La Tunisie a besoin de tous ses enfants et l’ère destructrice qui n’a que trop duré et qui attaque systématiquement tout souffle bâtisseur doit laisser la place à une autre, celle de la valorisation de toutes les propositions visant à faire sortir le pays de l’ornière des comploteurs, destructeurs, intéressés, profiteurs devenus légion dans les milieux politiques et surtout médiatiques.
Des apprentis journalistes qui pensent être devenus des lumières, qui se complaisent dans l’orientation inquisitoire aussi bien de leurs entretiens que de leurs productions. La Tunisie est fatiguée et essoufflée, donnons-lui la chance et les moyens de reprendre son souffle et de se remettre sur pieds.
Amel Belhadj Ali