Viandes rouges : l’éleveur, sacrifié à l’autel de la défense du consommateur

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L’Etat a finalement tranché : il n’abandonnera pas le sacro-saint consommateur, surtout en cette veille de ramadan, et a fait le choix d’importer de la viande rouge espagnole mettant en compétition l’éleveur européen surprotégé et largement subventionné par la communauté européenne avec notre éleveur national: combat inégal dont l’issue est prévisible : la fragilisation sinon la destruction de l’appareil de production national.
UN CHANGEMENT DE CAP S’IMPOSE : à l’instar de tout le secteur agricole, notre élevage souffre de manque de professionnalisme: en effet, la production de viande rouge ECHAPPE A LA PROFESSION que l’administration agricole appelle «secteur organisé» et qui essaie de survivre en n’assurant plus que 15% environ de la production de viande rouge.

En a résulté un nivellement par le bas des pratiques d’élevage, d’abattage et de traitement de la viande rouge. Ainsi, le secteur a rayé de son vocabulaire et de sa mémoire les notions de normes sanitaires, statut épidémiologique, chaine de froid, et a relégué au rayon du «luxe» traçabilité, ressuyage, maturation, amélioration génétique,… notions dont personne ne se soucie et en a oublié jusqu’à ses abc à savoir la notion d’aliments sains et salubres pourtant considérés comme les critères basiques (SMIG) de tout produit destiné à la consommation .

Notre élevage a plongé dans un ARCHAISME ENDEMIQUE et plombé le secteur viande rouge dans un ETAT COMATEUX PROFOND qui dure depuis l’indépendance, date à laquelle le secteur s’est arrêté d’évoluer et a boudé définitivement la voie de la modernisation.

En témoigne cet état des lieux troublant par son actualité, établi en 1954 par le Ministère de l’Agriculture de l’époque et  stipule dans ses recommandations un train de mesures dont la mise à niveau des abattoirs… Depuis, le secteur s’est figé dans des pratiques d’un autre âge, proche des temps bibliques, surtout en ce qui concerne les ovins, pratiques qui se sont érigées en règles admises par les tous les OPERATEURS de la filière si filière il y a.
Et ce malgré les innombrables rapports, commissions, études, ateliers, et la participation de nombreuses institutions aussi bien nationales comme l’APIA, la Société ELLOUHOUM, l’OEP, la DGSV, la DGPA… qu’internationales  comme la Banque mondiale, le FAO, l’AFD…. Tous ces travaux et leurs recommandations s’entassent dans les archives de notre administration qui a fini par adopter la RUMINATION comme mode de fonctionnement en s’enfermant dans le cycle stérile Etudes-Recommandations…
Entre temps, nos abattoirs se sont transformés en tueries pour animaux, nos bouchers en dépeceurs d’animaux, et nos éleveurs en espèce en voie de disparition de l’avis même de notre administration qui estime que 85% de notre élevage donc de notre production de viande rouge provient de ce qu’il est admis d’appeler l’ELEVAGE DE FOSSE pratiqué par les détenteurs d’animaux des zones rurales essentiellement mais aussi des péri-urbains, du reste les oubliés du développement et pour qui cette activité permet de survivre ou d’avoir un complément de revenu.

… L’éleveur revendique aujourd’hui  qu’on le considère enfin comme un professionnel  responsable, qu’on cesse de « socialiser » ; qu’il est capable d’assimiler le progrès technique, seul gage de la durabilité de l’activité ; et que ce saut qualitatif, d’éleveur social à éleveur professionnel, loin du traditionnel discours populiste, nécessite un regroupement des éleveurs en organismes de producteurs, pour se positionner en véritables interlocuteurs et un redimensionnement de l’éleveur de base pour que cette activité génère suffisamment de bénéfice pour qu’il cherche à élever son niveau technique. Seule la maîtrise de la conduite de l’élevage permet la compression  du coût de production et par conséquent  du prix à la consommation. De plus, l’éleveur doit avoir une taille minimum lui permettant de générer un revenu minimum si on cherche à pérenniser cette activité et assurer un minimum de compétitivité à notre éleveur national.

Le recours à l’importation comme unique recours pour “forcer” l’éleveur à vendre à un prix au-dessous de son coût de production met en péril l’ensemble des intervenants de la production locale, éleveurs petits et grands, fournisseurs d’aliments de bétails, de matériel d’élevage…, ainsi que tous les corps de métiers vivant de cette activité, vétérinaires, zootechniciens… En clair, tout l’appareil de production national se trouve ainsi court-circuité.

Les seuls bénéficiaires seraient les industriels et autres négociants, influents dans les hautes sphères, organisés et capables de mobiliser des ressources  financières conséquentes.  Leur intérêt est de donner du volume à l’activité(ou du chiffre) par tous les moyens, y compris en recourant à l’importation, s’ils arrivent à se fournir sur des marchés où les prix serait plus compétitifs ; leur but avoué est d’offrir des prix plus abordables aux consommateurs, leur moteur étant le profit, quoi de plus légitime, et nous y adhérons.

Toutefois, la solution passe obligatoirement par la participation à l’élaboration de toute stratégie de l’ensemble des professionnels intervenants dans la filière (bouchers, maquignons, tenants d’abattoirs…) et surtout de l’éleveur qui reste loin des débats et des sphères de décisions et  que tout le monde évoque pour  plaindre et lui témoigner leur sympathie (el fellah meskin), seulement il faut plus que cela pour vivre.