Tunisie : Radhouane Gharsallaoui, arrêté et détenu au secret depuis le 30 novembre 2014

Le 4 décembre 2104, Alkarama a saisi en urgence le Rapporteur spécial sur la torture (SRT) du cas de Radhouane Gharsallaoui, un père de 38 ans enlevé quatre jours plus tôt par la brigade antiterroriste vers une destination inconnue, dans le cadre d’une vaste campagne de répression menée par les services de sécurité.

Au vu du contexte actuel et du retour à la pratique généralisée de la torture dans le pays, Alkarama craint que M. Gharsallaoui soit victime de graves tortures.

M. Gharsallaoui, 38 ans, demeurant avec sa famille au village de Cherrada près de Kairouan, a été arrêté le 30 novembre dernier par la brigade antiterroriste à son domicile et emmené vers une destination inconnue ; en dépit de ses démarches et de celles de son avocate, la famille de la victime ignore à ce jour le lieu de sa détention et les raisons de son arrestation opérée sans mandat de justice. Cette arrestation s’inscrit, selon ses proches, dans le cadre d’une vaste campagne de répression menée par les services de sécurité.

Le même jour et dans les mêmes circonstances, plusieurs autres personnes ont été arrêtées dans la région, parmi lesquelles, Fadhel Bensalem, l’un des cousins de la victime, dont la famille ignore également le sort.

A ce jour, ni M. Gharsallaoui, ni les autres personnes arrêtées à Cherrada, n’ont été présentées devant une autorité judiciaire, ce qui laisse craindre qu’elles n’aient été transférées au centre d’Al Gordjani devenu tristement célèbre ces derniers mois en raison des multiples témoignages de victimes de graves tortures qui y sont perpétrées.

De nombreuses personnes résidant dans la région de Kairouan et dans d’autres régions du pays ont fait ces derniers mois l’objet d’arrestations arbitraires et ont témoigné avoir subi de graves tortures durant leur détention par les services de la brigade antiterroriste à Al Aouina et à Al Gorjani avant d’être libérées ou déférées devant le tribunal de Tunis, compétent en vertu de la législation antiterroriste.

La presse tunisienne a d’ailleurs rapporté qu’à la suite de l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 23 novembre des centaines de personnes suspectées de lien avec l’organisation Ansar Al Charia, classée par les autorités comme terroriste, avaient été arrêtées dans le cadre d’une vaste campagne « d’assainissement ».

Alkarama reste aujourd’hui particulièrement préoccupée par les nombreuses informations qu’elle reçoit relativement à cette vaste campagne d’arrestations et par le retour à la pratique généralisée de la torture dans le pays sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme.

Bien que la Tunisie ait ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture (OPCAT) en 2011 et adopté, en octobre 2013, une loi instituant l’instance nationale pour la prévention de la torture chargée de visiter régulièrement et de manière inopinée tous les lieux de privation de liberté, à ce jour cette instance n’a pas été mise en place.

Il devient urgent pour la Tunisie de prendre de véritables mesures pour mettre un terme définitif à ces pratiques héritées du passé, en installant d’urgence les instruments légaux de lutte contre la torture et en mettant un terme à l’impunité dont continuent à bénéficier les auteurs de ce crime.

Au vu des informations, Alkarama envoyé un appel urgent au le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SRT) de la situation de M. Gharsallaoui, en le priant de rappeler aux autorités tunisiennes leurs obligations internationales en matière de lutte contre la torture, notamment en plaçant, dès leur arrestation, toutes les personnes suspectes sous la protection de la loi, et en autorisant les familles et les avocats à leur rendre visite sur leur lieu de détention.