Objet de convoitises et de dépassements de tous genres depuis de longues années, le site de Carthage a été au centre d’un colloque ouvert ce matin dans la banlieue nord de Tunis, ayant pour thème “Le site de Carthage, patrimoine mondial partagé”.
Inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, le site de Carthage “n’est en aucun cas menacé de déclassement” a tenu à rassurer Nada El Hassan, chef d’unité des Etats arabes au centre mondial de l’Unesco. D’ailleurs, a-t-elle expliqué “l’Unesco veut accompagner et collaborer avec la Tunisie pour trouver des solutions adéquates aux différents problèmes que connaît le site de Carthage”. Dans le cadre de la convention du patrimoine mondial, a-t-elle rappelé, la commission du patrimoine mondial réunie à Doha au mois de juin dernier avait demandé à la Tunisie de mettre en place entre autres un plan de protection et de mise en valeur de Carthage (PPMV).
A ce sujet, Wided Arfaoui, chargé du PPMV a tenu à préciser que l’état d’avancement de ce plan est “considérable” faisant savoir que d’ici février 2015, le rapport final sera soumis à l’Unesco, et ce, après approbation de l’arrêté conjoint de délimitation du site archéologique, qui doit être signé par le ministre de la culture et le ministre de l’équipement. Le PPMV a-t-elle indiqué est un outil réglementaire de la gestion archéologique qui permettra désormais de protéger le site. Cependant, une stratégie de gestion foncière doit être mise au point le plus tôt possible car, selon elle, on ne peut pas sauvegarder le site sans avoir une maîtrise foncière de l’assiette archéologique.
Présent aux travaux de ce colloque organisé par l’Institut national du patrimoine (INP) et de l’agence de mise en valeur du patrimoine et de la promotion culturelle (AMVPPC), Jean-Paul Morel, professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille a relevé que le site de Carthage est extrêmement difficile à protéger à cause de la pression urbaine et de la nature du terrain – en pente sur la colline de Byrsa- très ravagé par les pluies hivernales. De ce point de vue, a-t-il relevé, il faudrait probablement une équipe d’ouvriers réservée à cette tâche à longueur d’année. Le problème à son avis, est le musée de Carthage “occupé en grande partie par les réserves du Bardo et qui devrait retrouver sa tache initiale de grand musée de site que mérite Carthage, la métropole méditerranéenne’ a-t-il avancé.
Certes, le site de Carthage est un site complexe à plus d’un titre, a relevé le directeur général de l’INP, Nabil Kallala. Soumis depuis des années à une spéculation foncière, il est devenu en grande partie amputé de son assise archéologique. C’est vrai que des recommandations ont été faites il y’a un an mais elles n’ont pas été mises en pratique. C’est pourquoi, a-t-il expliqué, le colloque se veut une occasion pour rassembler les experts mais aussi les citoyens afin d’engager des réflexions profondes et envisager des mesures pratiques et réalisables pour sauver ce qui reste à sauver de Carthage et sa civilisation universelle. Ceci ne peut se faire a-t- il insisté sans la participation citoyenne à cet effort dont l’objectif est de faire de ce site, un centre culturel qui puisse servir de socle et d’assise de développement socio-culturel.
La situation du site de Carthage “est difficile mais pas catastrophique”, a tenu à préciser le ministre de la culture, Mourad Sakli. Il a, dans ce contexte, émis l’espoir de voir ce colloque aboutir à des solutions bien réfléchies pour pouvoir élaborer des stratégies claires qui pourraient s’appliquer à d’autres sites, voués à l’abandon, dans tout le pays.