Tunisie élections 2014 : Programmes économiques irréalistes pour attirer les catégories démunies

La maîtrise des prix et la réduction de la cherté de la vie demeurent parmi les principales préoccupations que le citoyen tunisien considèrent, après le chômage et les écarts entre les régions, comme les principales problématiques auxquelles il fait face quotidiennement et que le prochain gouvernement doit placer aux devants de ses priorités.

Les prix, et notamment, ceux des produits alimentaires n’ont cessé de flamber depuis la première année de la Révolution (17 décembre 2010/14 janvier 2011) pour dépasser certains mois 8% tenant compte du glissement annuel.

L’indice des prix à la consommation familiale s’est accru de 23,40% jusqu’à fin septembre 2014, en comparaison avec le taux réalisé jusqu’à la fin de l’année 2010, soit une moyenne annuelle dépassant 5,5%. Ce taux était de 49,29% pour ce qui est des prix des produits alimentaires lesquels constituent plus de 32% de la consommation familiale.

Bien qu’en partie imputée à une baisse de l’offre en raison de la contrebande, l’inflation est également due aux politiques budgétaires expansionnistes adoptées par les gouvernements de l’après-révolution donnant lieu à une hausse des salaires, des transferts sociaux et des prix.

L’autre cause de l’inflation est la pression inflationniste exogène résultant de la baisse de la valeur du dinar. Face à cette situation, le nouveau gouvernement se trouvera confronté à la problématique de la subvention qui alourdit le budget de l’Etat.

La subvention directe et indirecte a atteint des niveaux très élevés dépassant 5 milliards de dinars et représentant 7% du PIB. La subvention des hydrocarbures en constitue la majeure partie.

Cependant, les partis politiques ont traité cette question dans leurs programmes économiques de manière superficielle bien qu’ils aient consacré des chapitres relatifs à l’augmentation du pouvoir d’achat du citoyen et la maîtrise de l’inflation.

Les partis estiment que l’augmentation du pouvoir d’achat passe nécessairement par une hausse du salaire minimum industriel garanti (SMIG) et celui agricole garanti (SMAG) et des transferts sociaux au profit des familles nécessiteuses que les partis considèrent comme des voix faciles à gagner.

Le parti de l’Union Patriotique Libre (UPL) propose de hisser à 300 dinars les aides fournies aux familles démunies après une évaluation de leur niveau de vie et de procurer mensuellement un revenu mensuel fixe de 250 dinars aux habitants des villages frontaliers, outre une couverture sociale gratuite.

Le triplement des aides aux familles nécessiteuses coûtera à l’Etat plus de 70 millions de dinars par mois, soit 846 millions de dinars par an, pour un pays qui souffre d’un déficit budgétaire estimé à 6,2%.

Le Congrès pour la République (CPR) qui faisait partie de la Troïka au pouvoir, a présenté une méthode qu’il adoptera pour maîtriser l’inflation et améliorer le pouvoir d’achat du citoyen, suggérant à ce propos de retirer l’ensemble des billets de banque et de les remplacer par de nouveaux.

Toutefois, l’opération de retrait sera difficile et exigera du temps. En effet, la Banque centrale de Tunisie (BCT) dépense annuellement plus de 10 millions de dinars uniquement pour le retrait et le remplacement des billets et pièces de monnaie désuets. Pour le parti “El Joumhouri”, la hausse continue du coût de la vie en Tunisie exige l’impulsion de la consommation à travers l’augmentation des salaires au lieu de combler le grand déficit résultant de l’augmentation des fonds réservés à la compensation d’une part, et l’adoption d’une politique d’encouragement des producteurs à augmenter l’offre, d’autre part.

“El Joumhouri” propose, dans ce contexte, de réviser les salaires périodiquement et de manière consensuelle à la lumière des indicateurs de l’inflation et de la productivité.

Le parti a souligné que ces mesures devraient être accompagnées par une meilleure compétitivité et pour ce faire, une forte augmentation de la productivité est possible moyennant davantage de rationalité, d’ordre et d’incitation.

Le parti Nidaa Tounes recommande la maîtrise des circuits de distribution des produits de base, la facilitation de l’installation des marchés hebdomadaires organisés dans les régions et la révision de la distribution des produits agricoles et alimentaires sensibles (viandes, volailles, lait..).

Il s’agit, en outre, d’adopter une approche graduelle pour imposer le respect des normes de qualité, environnementales et de santé. Le parti suggère, par ailleurs, de soutenir les mécanismes de protection du consommateur contre les contrats abusifs, les agissements illégaux, les publicités mensongères, l’absence de services après-vente et de garanties pour les produits importés.

Nidaa tounes recommande, en outre, l’exécution d’un plan de lutte contre la pauvreté, la hausse graduelle du SMIG et du SMAG à hauteur de 50% pour les cinq prochaines années. Il préconise l’actualisation des listes des bénéficiaires d’aides et d’augmenter les primes accordées à cette catégorie.

Pour les 5 prochaines années, le parti Ennahdha vise un taux d’inflation aux alentours de 4% afin de préserver le pouvoir d’achat du citoyen. Afin de réaliser cet objectif, Ennahdha oeuvrera à poursuivre la rationalisation et la réforme du système de subvention. Concrètement, le parti suggère de maintenir la politique de subvention et de mettre en place un plan graduel de rationalisation ciblé des hydrocarbures dans l’objectif d’orienter la subvention vers ceux qui en ont réellement besoin.

Sur la même ligne, le Front Populaire (FP) appelle à fixer le SMIG sur la base «des besoins sociaux» et non pas celle «des besoins physiologiques ». Le parti réitère, en outre, son attachement au système de subvention, notamment des produits de base et des hydrocarbures jusqu’au lancement d’un dialogue national sur le sujet.

Pour le FP, il est primordial de réviser périodiquement les salaires. Les prévisions du parti tablent sur une régression du taux d’inflation qui devrait passer de 6,5% actuellement à 5% à la fin de 2015, pour se stabiliser à 4% à l’horizon 2018.

Par contre, le parti «Forum démocratique pour le travail et les libertés Ettakattol » estime que la maîtrise du taux d’inflation ne nécessite qu’une révision des bases de calcul des indices des prix et une revalorisation annuelle des salaires, notamment, le SMIG et le SMAG de 10%, au cours des 5 prochaines années.

Dans une déclaration à TAP, l’universitaire Mohamed Haddar a affirmé que « les recommandations des partis politiques dans le cadre de leurs programmes politiques ne manqueront pas de faire entrer le pays dans un cercle vicieux entre les salaires et les transferts sociaux, d’une part et l’inflation, d’autre part».

Pour l’expert, il ne s’agit pas seulement de contrôler les prix ou de maîtriser les circuits de distribution, mais de parvenir à la stabilité sociale, elle-même, liée à la stabilité sécuritaire et politique. L’objectif final, est de garantir la stabilité des équilibres généraux du pays, et partant de maîtriser l’inflation, a-t-il encore dit. Haddar a, par ailleurs, mis en garde contre les recommandations d’un nombre de petits partis qui suggèrent des dispositions qu’il qualifie de « populistes ».

Ces slogans « pourraient influencer le simple citoyen malgré leurs caractères (dispositions) imaginaire et irrationnel», a-t-il encore indiqué. Et d’ajouter : «ces partis peuvent constituer la surprise «des prochaines élections à l’égard de ce qui s’est passé avec les listes d’EL Aridha Echabya aux élections de 2011».