Tunisie – Attaque du domicile de Ben Jeddou à Kasserine : Des zones d’ombre

Mise en doute de l’origine terroriste

Un regard averti sur l’ensemble des réactions en fait ressortir trois réactions à forte valeur informative.

La première est celle faite à chaud par Lotfi Ben Jeddou sur les ondes de la radio Mosaïque Fm. Tout en veillant à éviter à faire endosser frontalement aux forces de sécurité de sa ville, les dysfonctionnements sécuritaires qui ont eu lieu, il a parlé de relâchement après les succès remportés en matière de lutte contre le terrorisme. Il a en même temps lâché une information à haute valeur stratégique, en l’occurrence le retard qu’accuse la promulgation par l’ANC d’une législation antiterroriste habilitant l’armée à intervenir dans les villes.

Décryptage: Il me semble que Ben Jeddou n’aurait jamais révélé une telle donne et réclamé l’accélération de la promulgation de cette législation tant attendue d’ailleurs, si jamais il avait une entière confiance dans sa police et était sûr de la loyauté de ce corps.

Pour mémoire, ce corps n’a jamais été, depuis l’indépendance, en bons termes avec l’armée. Une animosité a toujours régné entre les deux institutions, particulièrement au temps de Ben Ali.

La deuxième réaction, qui est une véritable bombe -même si elle est connue par les avertis-, est à l’actif du porte-parole des syndicats de la sécurité nationale intérieure, Chokri Hamada.

Dans une déclaration à chaud à la radio Cap Fm, il a évoqué «une police à deux têtes» et imputé implicitement l’attaque du domicile de son patron au bras de fer entre deux clans de policiers. Pour lui, «le ministère de l’Intérieur est divisé en deux clans: à droite, les partisans d’Ennahdha, et à gauche ceux de Nidaa Tounes», demandant au chef du gouvernement, Mehdi Jomaa, de se pencher sérieusement sur le dossier sécuritaire.

La troisième est à l’actif des semeurs de zizanie du CPR, notamment de Samir Ben Amor, «constituant», et de Sihem Badi, ex-ministre de la Femme. En mal de publicité, ces derniers temps, ces fauteurs de troubles, réputés pour leur cynisme et leur penchant pour le désordre, ont mis en doute la version de l’existence d’une action terroriste et ont imputé cette attaque «aux contre-révolutionnaires» (RCDistes et compagnie).

Quant à leur chef spirituel, le président de la République provisoire, Moncef Marzouki, il a pratiqué la politique de l’autruche. Il serait bien informé sur les tenants et aboutissants de cette attaque. A preuve, il n’a même pas daigné condamner personnellement l’attaque, se limitant à ordonner l’institution (la présidence) à décréter un jour de deuil national.

Ce président clanique, qui s’est toujours précipité pour porter le cercueil des militaires décédés, n’a même pas osé présenter, publiquement, ses condoléances aux familles des policiers assassinés, prouvant, encore une fois et de manière éloquente, qu’il n’est pas le président de tous les Tunisiens.

Autrement dit, pour Marzouki, omniprésent avec beaucoup de zèle dans les obsèques des martyrs militaires, les policiers martyrs ne sont pas dignes de «cet honneur».

Un jour ou l’autre les criminels seront rattrapés par leur passé

Par delà des réactions des uns et des autres, il semble que les partis politiques et leurs antennes parmi les policiers et les terroristes aient perdu leur âme et conscience devant leur ambition effrénée au point de banaliser l’assassinat de quatre jeunes policiers issus de régions pauvres. Ces mêmes régions démunies qui s’étaient révoltées contre la dictature de Ben Ali pour que ces politiques accèdent au pouvoir et en profitent.

Tout Tunisien qui se respecte ne peut que condamner le cynisme avec lequel ces jeunes policiers ont été assassinés, tout autant que l’incompétence de la police et des politiques.

Quant aux origines terroristes de l’attaque, le doute est hélas permis d’autant plus que les assaillants, s’ils étaient vraiment terroristes tels qu’on les connaît partout dans le monde, ils auraient pu aller jusqu’au bout de leur sale boulot et faire plus de dégâts au regard de leur armement et de la marge de manœuvre qui leur était offerte…

Moralité: ce qui est certain, c’est que la vérité éclatera un jour. Et tous ceux qui ont commis des crimes seront rattrapés un jour ou l’autre par leur passé, tout comme cet ex-directeur de la sureté nationale, Taoufik Dimassi, qui a révélé, en marge des analyses des incidences de cette attaque, qu’il avait, au temps où il exerçait encore, reçu de sa hiérarchie l’ordre de laisser échapper le terroriste Abou Yadh de la mosquée El Fatah. Une confession majeure qui augure d’autres et leurs corollaires, des procès en vue pour haute trahison de l’Etat.