Les participants à une journée d’étude sur “le Code électoral : défi de la prochaine étape” dont des juristes et acteurs de la société civile ont attiré l’attention sur les lacunes du projet de la loi électorale, actuellement à l’examen en commissions de l’Assemblée nationale constituante.
Le président de l’Association tunisienne de Droit constitutionnel, Farhat Horchani, a estimé, lors de cette journée d’étude, samedi à Tunis, que le projet de la loi électorale comporte des « points catastrophiques » susceptibles de compromettre la transparence du scrutin.
Il a souligné que les dispositions transitoires de la Constitution prévoient l’organisation d’élections avant le 31 décembre 2014. Au cas où cette échéance est dépassée les élections deviennent non légales.
Il a rappelé que l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois n’est pas encore mise sur pied, de même que la loi électorale qui n’est pas encore fin prête, ce qui, a-t-il ajouté, rend difficile l’organisation des élections à la date prévue par la Constitution. Horchani a, par ailleurs, relevé que l’article sur l’accompagnement de l’électeur analphabète constitue un « vrai danger ». Selon lui, cet article pourrait laisser grande ouverte la porte à l’exploitation, par certains partis, du principe d’accompagnement pour « acheter les voix d’électeurs ».
Il a, dans ce contexte, proposé de maintenir l’ancienne loi électorale qui stipule que tout électeur doit voter seul et que la seule aide se limite à apposer des images ou des signes compréhensibles pour un électeur analphabète, sans que nul n’interfère dans son choix. Pour sa part, le coordinateur du Réseau « Mourakiboun » (superviseurs), Rafik Halouani, a considéré que le fait d’instituer le principe d’accompagnement de l’électeur analphabète est une atteinte au « principe de la liberté de choix des candidats » et pourrait ouvrir la voie à tous les dépassements, dont l’« achat des voix », soulignant qu’il est impossible de déterminer si un électeur est bien analphabète. Sur la polémique suscitée par la réduction à 10 au lieu de 18 le nombre de sièges réservés aux Tunisiens à l’étranger dans le prochain parlement, le Secrétaire général de l’Association tunisienne de droit constitutionnel, Chawki Kaddas, a justifié que plusieurs dépassements ont été relevés lors des dernières élections au niveau des circonscriptions à l’étranger.
Le nombre des électeurs à l’étranger est bien inférieur au chiffre déclaré. Il se situe aux alentours d’un million, a-t-il encore dit. Kaddas suggère le vote par la poste utilisé dans plusieurs pays. cette méthode, a-t-il expliqué, est en mesure de limiter les dépenses et de faire participer un plus grand nombre d’électeurs. La constitutionnaliste Salsabil Klibi a prévenu du risque d’éparpillement des voix. Elle a insisté sur la rationalisation des candidatures dans le projet de la loi électorale ainsi que sur le rôle que les partis politiques peuvent assumer dans ce sens.
Pour la juriste, l’investiture est un « vote précédant le vote » qui risque d’ouvrir la porte à l’argent politique. Abordant le financement public à posteriori, Klibi a précisé que ce mécanisme n’assurera pas pour autant l’égalité des chances entre les partis bénéficiant d’importantes ressources financières et les autres partis aux moyens limités. Elle a proposé de fixer un seuil (entre 3 et 5 pc des voix) au dessous duquel la liste n’obtient pas de siège. Cette méthode, selon elle, encourage les partis politiques à se réunir dans des alliances pour éviter l’éparpillement des voix.
La parité horizontale (homme-femme) est le meilleur moyen pour rationaliser les candidatures, a noté la constitutionnaliste qui considère, toutefois, que ce mécanisme ne peut pas être adopté par plusieurs partis et risque de réduire le nombre des candidatures.