Tunisie – Gouvernement Jomaâ : C’est pour quand les grandes décisions ?

Opérationnel, pratique, compétent, neutre, réactif et représentatif, dans la mesure du possible, de la Tunisie et des Tunisiens, du sud au nord. Ce sont les critères pour lesquels a opté le nouveau chef du gouvernement provisoire Mehdi Jomaâ dans le choix de ses ministres dont les CV témoignent, il faut le reconnaître, de cursus assez riches. Est-ce à dire que ce sont là les seules conditions de réussite? Dans la réalité, cela peut marcher, comme cela peut échouer.

Tout dépend des capacités de ces nouveaux hauts responsables à s’intégrer dans l’Administration tunisienne, à maîtriser leurs troupes et à établir des relations de respect mutuel et de confiance avec les hauts cadres en place depuis des décennies, de manager comme il se doit le potentiel humain existant et surtout de prendre les décisions qui s’imposent, chacun dans son département.

Est-ce le cas, 10 jours après l’investiture du nouveau gouvernement? Nous attendons toujours les grandes décisions et surtout celles touchant aux nominations dans tous les  ministères et, à leurs têtes, ceux de souveraineté, aux dossiers d’instruction ouverts depuis plus de 3 ans (une aberration pour la justice tunisienne) pour cause de règlement de comptes et de «logique révolutionnaire» à l’encontre de nombre de personnalités économiques et politiques privées de leurs passeports ou mieux encore exilées. Des personnalités sacrifiées aux discours populistes des uns et à la lâcheté politique des autres.

Les actes de vindicte et de règlement de compte pourraient de nouveau se traduire par des cabales à l’encontre de ceux qui ont gouverné depuis trois ans… Comme quoi l’histoire se répète toujours, mais à quoi bon, la Tunisie doit être sauvée par tous ses enfants dès lors qu’ils raisonnent en hommes et femmes d’Etat et non en inquisiteurs haineux…

Révision des nominations, quand et comment?

Sur un tout autre volet se rapportant à la révision des nominations stipulée par la feuille de route, et même si Mehdi Jomaâ n’a pas promis d’en faire l’inventaire et de tout revoir, il y en a quand même qui sont trop flagrantes pour que l’on feigne de ne pas les avoir vues. Il y va ainsi des conseillers dans les ministères, des directeurs centraux et généraux nommés dans la hâte par les ministres partants et des PDG des établissements publics, bancaires compris.

Un exemple édifiant en la matière, celui d’une conseillère CPRiste, très proche d’Ennahdha, nommée par Abdelwaheb Maatar au ministère de l’Emploi, membre de l’Association “Horria wa Insaf“ toujours maintenue à son poste et nullement inquiétée. Cette même personne a brandi sur l’Avenue Habib Bourguiba, alors que les agents de sécurité pleuraient leurs martyrs à Sidi Bouzid et particulièrement le jeune Socrate Cherni, une affiche sur laquelle était écrite la phrase: “Où sont les snipers”. On ne peut être plus clair sur ses appartenances partisanes ni sur son ignorance du fait que c’est, entre autres, grâce aux snipers qu’il y a eu des printemps arabes et des gouvernements appartenant idéologiquement à l’islam politique… Mais passons!

Des avancées en matière de lutte contre le terrorisme, pourquoi maintenant?

L’un des premiers actes concrets du gouvernement Jomaâ serait ces arrestations «massives» de terroristes. Ce qui est tout de même surprenant! Car comme par enchantement, en l’espace d’une semaine, les campagnes antiterroristes et terrorisme se sont amplifiées et les lieux, les noms et les complices sont sortis de l’ombre vers la lumière.

Au ministère de l’Intérieur, ce sont ceux-là mêmes, il y a deux mois, n’arrivaient pas à arrêter un prêcheur qui incitait à la haine et à la violence dans une mosquée qui se sont engagés dans des cabales sans merci à l’encontre des milices terroristes. On prend les mêmes et on recommence…

Qu’est-ce qui a changé dans ce ministère outre la nomination de Ridha Sfar au poste de secrétaire d’Etat chargé de la Sûreté nationale? Et encore, nous ne savons même pas s’il a réellement les coudées franches pour assurer son rôle comme il se doit.

S’il ne s’agit que d’une nomination fictive, le risque est que le ministère de l’Intérieur reste infiltré par des personnes dont l’allégeance va à un parti plutôt qu’à un pays et que ceux désignés par Ennahdha aux postes clés ne bougent pas d’un pouce. Les opérations spectaculaires auxquelles nous avons assisté ces derniers jours ne seraient, dans ce cas qu’un simulacre, même si les arrestations ou les tueries sont bel et bien là mais on se serait débarrassé des exécutants. Et les commanditaires alors?

Ce sont les manœuvres de diversion auxquelles nous sommes désormais habitués. C’est comme si nous lisions dans les têtes pensantes: «Arrêtons, tuons une dizaine, une vingtaine de terroristes et gardons notre mainmise sur le ministère de l’Intérieur, le plus important, celui au centre de tout et qui est déterminant dans les processus aussi bien électoral que démocratique»….

Il s’agit là de simples supputations mais il va falloir que nous Tunisiens tempérions notre enthousiasme quant à la vigueur et la rigueur avec lesquelles sera respectée la feuille de route… Tout en n’insultant pas l’avenir… Il est temps que les acteurs et actrices de la société civile se réveillent et assurent leurs rôles de garde-fous, car il y a encore du chemin à faire.