L’adoption, samedi tard dans la soirée, lors d’une plénière de l’Assemblée nationale constituante (ANC) du projet de loi organique sur la justice transitionnelle, constitue aux yeux des spécialistes parmi les activistes de la société civile, les juristes et responsables gouvernementaux, un pas important sur la voie de la concrétisation des objectifs de l’étape transitoire.
Aussi importante soit-elle, cette loi a fait l’objet de lectures distinctes aussi bien au niveau de la forme que du contenu. Alors qu’un certain nombre de juristes estiment, dans une déclaration à la TAP, qu’il existe des lacunes dans le projet de loi sur la justice transitionnelles et dans le processus de son élaboration, des responsables au sein du gouvernement affirment la complémentarité de l’aspect juridique de ce texte de loi et son harmonie avec les normes internationales, ce qui est de nature à garantir sa concrétisation sur le terrain.
A cet égard, le président de l’observatoire tunisien de l’indépendance de la justice, Ahmed Rahmouni estime que le caractère conciliatoire prédomine dans la loi sur la justice transitionnelle aux dépens de la révélation de la vérité et de la reddition des comptes.
Il considère, également, que la loi se distingue par son “caractère procédural” dans la mesure où elle a été axée sur la détermination des procédures relatives à la commission de la vérité et de la dignité et omis, selon lui, les mécanismes efficaces pour la réforme des institutions.
Il a indiqué que les dispositions de la loi sur la justice transitionnelle, notamment, l’article 45 et les articles suivants relatifs aux prérogatives d’arbitrage et de réconciliation confiées à la commission de la vérité et de la dignité, ont entaché la loi.
Ces dispositions a-t-il dit, permettent de trouver des arrangements concernant les affaires de corruption financières avec l’intervention de l’Etat, ce qui est de nature, estime-t-il, à favoriser l’extorsion des victimes et à innocenter les coupables en flagrante contradiction avec l’esprit de la justice transitionnelle fondée sur la réparation des injustices et la révélation de la vérité.
Pour sa part, Kais Said, professeur de droit constitutionnel estime que la loi sur la justice transitionnelle a beaucoup tardé à être promulgué malgré la création d’un ministère chargé de ce dossier et la nécessité, conformément à la loi sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics (article 24), d’élaborer une loi garantissant la réussite du processus de transition démocratique.
Cette loi a été inspirée, selon Said, des expériences de plusieurs pays tels que le Maroc et l’Afrique du Sud, estimant que ces expériences sont propres à ces pays et n’ont pas réussi en général, ajoutant que la Tunisie a besoin d’un texte de loi qui prend en considération les spécificités de la situation dans le pays. Le porte-parole officiel du ministère des droits de l’homme et de la justice transitionnelle, Chekib Darwich a indiqué que la loi sur la justice transitionnelle a été élaborée sur la base d’une approche participative associant toutes les parties concernées (structures gouvernementales, société civile, experts étrangers).
Il a mis l’accent sur le souci, lors de l’élaboration de cette loi, de se référer aux normes internationales afin de consacrer toutes les garanties de la justice transitionnelle telles que recommandées par le rapporteur spécial de l’ONU, sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo De Greiff, suite à la visite qu’il avait effectuée du 11 au 16 novembre 2012 en Tunisie.