Tunisie, Politique, Economie : 2 ans de pouvoir d’Ennahdha et de la Troika

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Deux ans après les élections du 23 octobre 2011, les avis restent partagés sur le rendement des gouvernements de la Troïka qui ont connu de profondes crises politiques et économiques marquées par les assassinats politiques et la récurrence d’actes terroristes.

Durant cette période, également, le paysage politique a vu la naissance de nouveaux partis dont Nidaa Tounès. Des alliances politiques de l’opposition comme le Front populaire et l’Union pour la Tunisie ont vu le jour. Les deux coalitions forment aujourd’hui le Front de salut national.

Le Front du salut, qui se positionne comme force d’opposition à la Troïka, a mené plusieurs manifestations pour réclamer la démission du gouvernement et la dissolution de l’Assemblée nationale constituante (ANC), en réaction à l’assassinat, le 25 juillet 2013 de l’élu Mohamed Brahmi.

Deuxième assassinat politique après celui de Chokri Belaid, le 6 février de la même année. L’aggravation de la situation à la suite du retrait des élus de l’opposition de l’ANC, a amené quatre organisations nationales à proposer une initiative pour une sortie de crise.

Il s’agit de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Union tunisienne du commerce, de l’industrie et de l’artisanat (UTICA), la Ligue tunisienne pour les droits de l’Homme (LTDH) et le Conseil de l’Ordre des avocats de Tunisie.

L’initiative de ce quartette s’articule autour du lancement d’un dialogue national entre toutes les familles politiques au cours duquel le gouvernement cédera la place à un cabinet de compétences dont les membres s’engageront à ne pas se présenter aux prochaines élections.

Dans sa feuille de route, le quartette exige un échéancier pour le parachèvement de la période transitoire. Dans une interview accordée à l’Agence de presse Reuters, le chef du gouvernement provisoire Ali Larayedh explique que l’équipe au pouvoir est une coalition nationale dont les performances ou les échecs ne concernent pas uniquement les islamistes. Sur le plan économique, il a précisé qu’un taux de croissance de 3,6 % a été enregistré en 2013 contre -2 % en 2011.

Entre décembre 2011 et septembre 2013, le taux de chômage a régressé de 3% selon Larayedh. Pour le secrétaire général du Congrès pour la République (CPR), Imed Daimi, la prestation des gouvernements post-révolution est dans l’ensemble « une réussite » en dépit des difficultés observées au niveau, notamment, du processus de la justice transitionnelle.

Difficultés qu’il impute à la réapparition des symboles de l’ancien régime et la lenteur dans la réalisation des objectifs de la révolution. Parmi ces objectifs figurent la reddition des comptes, l’ouverture des archives et la réforme des secteurs des médias, de la magistrature et du barreau.

Ajmi Lourimi, membre du mouvement Ennahdha, considère que le processus transitoire en Tunisie a franchi d’importants pas. «Le gouvernement de la Troïka a réussi à garantir la continuité de l’Etat et à contrer les tentatives visant à avorter la transition démocratique». L’opposition a choisi d’instrumentaliser l’assassinat du martyr Mohamed Brahmi à travers la mobilisation de la rue et les appels à la chute du gouvernement et la dissolution de l’ANC, rejetant la voie du consensus, a-t-il déploré.

L’élite tunisienne a fini par admettre que le dialogue est le seul moyen à même d’asseoir une démocratie réelle, a soutenu Lourimi qui a qualifié l’initiative du quartette parrain du dialogue d’« éveil politique » venu remédier aux erreurs de l’opposition.

Il s’agit aussi, a-t-il estimé, d’un message fort à l’adresse des différents acteurs politiques à placer l’intérêt du pays au-dessus des divergences. Pour le porte-parole d’Ettakatol, Ahmed Bennour, le rendement de la Troïka n’était pas «satisfaisant» pour son parti, estimant que la coalition au pouvoir a commis de nombreuses erreurs dans différents domaines, d’où l’impératif de procéder à une évaluation objective et de préconiser un plan d’action pour la période restante du processus de transition.

Le dialogue national, a-t-il souhaité, doit aboutir à une sortie de crise à travers un consensus entre tous les partis politiques. Le but est de créer un climat de stabilité dans le pays et de réunir les conditions propices pour l’investissement et pour l’organisation des prochaines élections.

De son côté, le secrétaire général de Nidaa Tounès, Taieb Baccouche, estime que le gouvernement de la Troïka, dirigé par Ali Larayedh, a «échoué sur tous les plans». «Le seul acquis réalisé était de conduire le pays droit au gouffre économique et politique», a-t-il ironisé. Et d’ajouter :«la montée du terrorisme et les assassinats politiques sont autant de raisons suffisantes pour réclamer la démission du gouvernement et son remplacement par un cabinet apolitique».

Taieb Baccouche souligne, en outre, l’impératif d’assainir l’administration tunisienne dans le sens de la révision des désignations effectuées sur la base d’allégeance partisane et «dont les résultats étaient catastrophiques sur le rendement de l’administration».

Le dirigeant du parti des travailleurs, Abdelmoumen Belanes, considère, lui aussi, que la Troïka a échoué dans la gestion des affaires courantes du pays à tous les niveaux comme en témoignent, selon lui, «l’ensemble des indicateurs enregistrés qui étaient négatifs sur tous les plans». Il a estimé que les objectifs de la révolution n’ont pas été atteints au niveau politique, d’autant, a-t-il dit, que l’ANC n’a pas encore élaboré la loi électorale et mis en place l’ISIE ni adopté la Constitution.