Voilà deux ans et demi, depuis la chute de Ben Ali, que la Tunisie est en crise politique. Comment la révolution a-t-elle pu accoucher d’un scénario si sombre ? Hélé Béji, Tunisienne, fondatrice du Collège international de Tunis et auteure, partage son analyse et ses inquiétudes.
La révolution tunisienne a commencé dans l’euphorie, elle s’abîme dans l’épouvante. Nous nous croyions un des peuples les plus civilisés de la terre ; nous avons sombré dans un climat de haine, de division, et d’intolérance que nous n’avions jamais connu, même durant les pires heures du colonialisme.
Depuis l’assassinat de Lotfi Nagued, Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi, suivis de la tuerie sauvage de huit militaires, la révolution tunisienne est entrée dans un scénario de film noir où des serial killers imprenables ont défiguré son visage humain. [1]
Après la révolution, la machine d’autodestruction
Elles sont loin, les longues files paisibles des élections du 23 octobre 2011. Les Tunisiens, barbus ou pas, se côtoyaient courtoisement, réconciliés dans l’amour de la liberté. Les droits de l’homme s’égayaient dans une tenue bariolée où on se saluait et se souriait. C’était dans une autre vie. A la place, une machine d’autodestruction qui engloutira jusqu’au souvenir d’un climat de lumière et de beauté sur ces rives aux miracles antiques. Le sentiment d’avoir été une “exception culturelle” n’aura alors été qu’une illusion narcissique, puisqu’on a permis le meurtre d’humanistes dont la gloire est de n’avoir jamais touché un cheveu de leurs rivaux.
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