Après l’assassinat-exécution de Mohamed Brahmi, qui sera la prochaine victime?

Faisons en sorte que le poème de Martin Niemöller, poète, pasteur et résistant antihitlérien ne s’applique pas chez nous: “Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit…”

Les tueurs de Chokri Belaid ont probablement franchi un nouveau palier de rancœur et de haine en exécutant lâchement Mohamed Brahmi, un homme politique de premier plan, constituant de surcroît. Cet assassinat porte la marque et la griffe des faucons islamistes. Rien au hasard: choisir d’assassiner un républicain convaincu le 25 juillet, jour d’anniversaire de la République, est un acte délibéré visant la République et ses acquis.

Une agression abjecte et méprisable qui s’ajoute aux dizaines d’assassinats ayant visés de personnalités politiques comme Chokri Belaid, Lotfi Naghd et tant d’autres, lesquels dénotent que cette bande est déterminée à frapper partout au vu et au su de tout le monde et sans être inquiétée par quiconque.

La société civile, et particulièrement les syndicats, compte tenu de la gravité de la situation “insécuritaire” dans le pays, a le devoir de faire face à ce phénomène de radicalisation des hors-la-loi et de s’organiser pour mettre fin à ces dérapages inacceptables.

Nous exprimons notre pleine solidarité avec la famille de Mohamed Brahmi et nous interpellons la justice pour qu’elle prenne toutes les mesures nécessaires afin de poursuivre les coupables et mettre un terme à ces violations graves, massives et récurrentes à l’encontre de l’intégrité morale et physique des hommes et femmes politiques qui exercent des responsabilités citoyennes. Ces actes horribles dénotent que les ennemis de la République sont des ennemis des libertés et de la démocratie.

Cette barbarie doit être condamnée par la communauté internationale sans délai, autrement, nous la considérons comme complice. Espérons que le peuple se réveille et comprenne les objectifs réels de ces énergumènes: la division et la haine pour affaiblir l’Etat, démoraliser le peuple et instaurer un pouvoir théocratique, c’est-à-dire confisquer toutes les libertés et faire des Tunisiens et Tunisiennes des abrutis. Ces hors-la-loi obscurantistes décrédibilisent notre passé glorieux, multiculturel et respectueux de l’autre.

Sommes-nous obligés de créer un gouvernement en exil pour que François Hollande et ses acolytes de l’Union Européenne prennent conscience du danger extrémiste qui menace la Tunisie et la paix civile dans notre pays? Nous vivons une situation précaire menaçant l’intégrité physique des personnes. Un peuple en danger doit être protégé d’urgence. Faudra-t-il des milliers d’actes de violence gratuite pour que la communauté internationale condamne cette barbarie?

De l’incapacité de l’exécutif à rétablir l’ordre et le respect des lois républicaines découlent les dérapages et actes des takfiristes, lesquels testent ainsi leur stratégie de déstabilisation du pays. Ces ignobles individus cherchent la provocation voire la guerre civile pour “somaliser” le pays et le livrer aux bandes armées et aux lois barbares.

La méthode et la stratégie de nos ennemis et ennemis de la République sont bien connus de tous: intimider, briser tout élan de militantisme, saboter des réunions, agresser verbalement et physiquement les militants du camp adverse, éliminer physiquement les leaders d’opposition. Nous rappelons à juste titre aux donneurs d’ordre qu’ils ne doivent pas se méprendre: les menaces et intimidations, le recours systématique à la machine de la violence pour décourager toute forme d’organisation politique et sociale, ne feront que renforcer davantage la détermination de ceux qui luttent pour une Tunisie républicaine, laïque, libre et démocratique.

La Centrale Syndicale doit s’organiser pour protester contre ces actes sauvages par le lancement d’une grève générale de trois jours, pour signifier, d’une manière forte, le ras-le-bol de la population tunisienne qui refuse de se soumettre et qui refuse la guerre civile.

Les partis politiques d’opposition doivent retirer immédiatement leurs représentants à la “Déconstituante”. Ils sont aussi sont invités à organiser d’urgence une réunion de concertation pour arrêter un plan d’action pour installer un pouvoir consensuel protégeant tous les Tunisiens et Tunisiennes et mettre fin à la vacance du pouvoir. Se taire et ne rien faire constitue un délit de non-assistance à peuple en danger.

Si rien n’est fait d’ici quelques jours en matière de sécurité, la société civile pourrait être amenée à organiser la désobéissance civile – version tamarrod – sous toutes ses formes afin de stopper le désordre systémique dans notre pays.

Le peuple tunisien n’a pas chassé la mafia de Ben Ali pour subir la mafia takfiriste…

La série noire des assassinats politiques nous mène droit à cette question: une instabilité-crise se transforme-t-elle forcément en guerre civile? Je crains que oui, si rien n’a lieu du côté de l’institution militaire, garante de l’unité nationale et de la République.

Blog: Mustapha Stambouli