Absence d’équipements, manque des ressources humaines et insécurité sont les principaux problèmes auxquels font face les médecins spécialistes qui travaillent dans les régions de l’intérieur. C’est un constat unanime des concernés qui interpellent les autorités pour remédier ne serait-ce qu’au plus urgent.
Helmi Kallal, spécialiste en chirurgie générale à l’hôpital général de Jendouba, souligne que le nombre de médecins de spécialité orientés vers les régions de l’intérieur est insuffisant, ne comble pas le manque enregistré et ne résout pas le problème tant que les conditions de travail restent pénibles en l’absence d’équipements et de matériel.
Installé depuis 2010, il qualifie son expérience de très difficile, évoquant un combat quotidien pour pouvoir fournir les prestations médicales. Outre la pénibilité du travail particulièrement épuisant qui mobilise le médecin parfois plus que le double de son temps légal de travail, le praticien spécialiste consent d’énormes sacrifice familiaux.
”L’équipe avec laquelle je travaille est entrain de se disloquer après le départ de plusieurs médecins”, a-t-il indiqué, précisant qu’il comprenait très bien les demandes de mutation.
Son collègue, Zied Belhaj, cardiologue qui exerce à Jendouba après une année passée à Kasserine, explique que face au manque de moyens, il a du quitter la région laissant le service de chirurgie sans spécialiste.
Pour Sabeur Mannai, professeur agrégé spécialiste en cardiologie qui exerce à Jendouba, après dix années passées à l’hôpital Mongi Slim à la Marsa, le manque de personnel paramédical et le défaut de formation continue sont les principales raisons de la désertion des postes dans les régions de l’intérieur.
Il ajoute, en outre, que le médecin spécialiste qui tente de sauver un patient peut très bien échouer dans sa tentative parce qu’il ne dispose pas du matériel nécessaire et risque, dans ce cas, d’être poursuivi en justice sans qu’il ne soit protégé par aucune partie. ”Les risques du métier et les agressions à répétition dont font l’objet les médecins constituent des raisons supplémentaires qui poussent le spécialiste à renoncer à travailler dans les régions de l’intérieur”, a-t-il affirmé.
Par ailleurs, des sources médicales affirment qu’un seul médecin gynécologue exerce à l’hôpital régional de Gafsa qui enregistre 11 accouchements quotidiens dont quatre par césarienne. ”Beaucoup de femmes sont orientées vers les cliniques privées pour accoucher faute de personnel” indique le directeur de l’hôpital Nooméne Ladab qui appelle au recrutements de médecins gynécologues avant l’été.
Le directeur se rappelle amèrement qu’au cours de l’année 2011, 17 médecins dans plusieurs spécialités avaient été recrutés dont trois gynécologues qui ont tous refusé de travailler à Gafsa, à l’exception d’une femme originaire de la région.
Même problème à Tozeur où 28 médecins exercent dans 13 spécialités. L’ophtalmologie en est le parent pauvre avec un seul médecin ce qui cause des délais d’attente pouvant aller jusqu’à trois mois.
De son côté, le syndicat général des médecins, des pharmaciens et des médecins dentaires des CHU, appelle, par l’intermédiaire de son secrétaire général adjoint, Adnène Hanchi, le ministère de la santé à rechercher des solutions durables en collaboration avec les partenaires sociaux pour remédier au manque de spécialistes dans les régions de l’intérieur.
Selon lui, il faut mettre à niveau les structures sanitaires en vue d’améliorer les prestations avant même de penser à la construction de facultés de médecine dans les régions, afin que l’étudiant puisse profiter des stages dans de bonnes conditions. L’investissement dans l’infrastructure sanitaire est une condition indispensable, a-t-il dit, pour inciter les médecins spécialistes à travailler dans les régions de l’intérieur.
Nabil Ben Salah, directeur général au ministère de la santé publique, indique que 120 candidats seulement se sont présentés au concours ouvert en 2012 pour recruter 308 médecins spécialistes. Un deuxième concours a du être effectué en 2013 avec 66 candidatures. Au total, 186 médecins spécialistes ont été recrutés et seulement 122 ont accepté l’affectation.
Le responsable affirme que la question est liée au développement régional et à l’amélioration de l’environnement du médecin.
Il a ajouté que la situation sociale et familiale du médecin est souvent derrière sa renonciation à travailler dans les régions de l’intérieur. Le spécialiste préfère démissionner, intégrer le secteur privé ou immigrer, a-t- il expliqué.
Selon Nabil Ben Salah, les régions de l’intérieur ont besoin de trois médecins dans chaque spécialité pour pouvoir assurer la continuité du service public sanitaire, précisant qu’on en est encore loin.