Les primes accordées aux membres de l’Assemblée nationale constituante (ANC) continuent à susciter le débat parmi les élus. A l’origine, les déclarations médiatiques tenues, jeudi dernier, par l’élu Mongi Rahoui (groupe démocratique) selon lesquelles des primes de logement et de transport, d’un montant de 7 à 8 mille dinars, ont été accordées aux constituants et une enveloppe d’environ 37 mille dinars à la première vice-présidente de l’ANC.
Ces déclarations avaient été dénoncées par plusieurs élus dont ceux d’Ennahdha lors de la plénière de vendredi passé, consacrée à l’examen du projet de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire. Ce mardi, c’est au tour de Mahmoud Baroudi (groupe démocratique) de remettre sur la table la question des indemnités des élus, en annonçant dans une déclaration à la TAP, qu’il a décidé, à partir d’hier lundi, de renoncer à son salaire et à toutes les primes qu’il perçoit, à l’ANC, au profit des familles des martyrs et des blessés de la révolution.
« Je continuerai ma mission d’élu du peuple au sein de l’ANC en tant que bénévole », a-t-il assuré, ajoutant « si l’administration de la constituante refuse cette décision j’ouvrirai un compte courant pour y placer mes émoluments à cet effet ». Réagissant, elle aussi, à ce débat, la députée Selma Mabrouk (groupe démocratique) fait part dans un post publié, ce matin, sur sa page Facebook de sa « confusion » et de son « malaise » suite au « scandale » déclenché au sein de l’ANC en réaction aux déclarations de Mongi Rahoui.
Exprimant son soutien à Mongi Rahoui, elle précise que le salaire versé aux députés depuis leur investiture, le 15 novembre 2011, d’un montant de 2360 dinars a été augmenté à 3500 dinars suite à un arrêté du président de l’ANC en juillet 2012. Elle explique que « la prime de logement et de déplacement » d’un montant de 1200 dinars a été justifiée par des économies réalisées sur le budget de l’ANC par rapport aux frais d’hôtellerie des 106 députés des régions qui en bénéficiaient. « J’ai donc reçu à l’instar de mes collègues un rappel de 8000 dinars (1200 dinars multiplié par 7) puis 3500 dinars par mois pendant 4 mois) », écrit-elle dans le post. Et d’expliquer: « En octobre 2012, suite à une plainte, une décision du Tribunal administratif a annulé l’arrêté en question et notre salaire est revenu à 2360 dinars depuis novembre 2012 ».
En effet, le Tribunal administratif avait ordonné en octobre dernier la suspension des indemnités décidées par le président de l’ANC suite à une plainte déposée par l’expert en droit public et droit fiscal Néji Baccouche. L’article 78 de la Loi des finances 2013, adopté dans la nuit du 28 au 29 décembre 2012, est venu contrecarrer cette décision puisqu’il prévoit que les indemnités du président de l’Assemblée nationale constituante, de ses assistants et de l’ensemble des membres de l’ANC soient fixées par les décisions du président de l’ANC.
Il y est précisé que ces décisions peuvent avoir un effet rétrospectif ne dépassant pas le 15 novembre 2011. D’aucuns ont considéré cet article comme « une validation législative qui peut permettre de reprendre les décisions suspendues par le Tribunal administratif ». Dans une déclaration rendue publique samedi dernier, l’Observatoire tunisien de l’indépendance de la magistrature (OTIM) avait expliqué que la suspension de l’application des arrêtés en question avait été le principal argument en faveur de la proposition de l’article 78 de la nouvelle Loi de finances. L’OTIM a appelé à la suppression de cet article « pour cause d’inconstitutionnalité », préconisant d’élaborer un projet de décret modifiant lesdites indemnités. L’Observatoire avait, également, fait part de son « étonnement de l’obstination de l’ANC à vouloir confier à son président la compétence de fixer le montant des indemnités et autres compensations bien qu’en violation des dispositions constitutionnelles édictées par la Petite constitution ».
Plusieurs députés se sont inscrits en faux contre les déclarations de Mongi Rahoui lors de la plénière tenue aujourd’hui à l’ANC consacrée à la poursuite de l’examen du projet de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire. Abderrazak Khallouli (indépendant) a qualifié les propos tenus par Rahoui de « diffamatoires », estimant qu’ils portent atteinte à la réputation des députés. De son côté, Tarak Bouaziz (indépendant) a dénoncé la « campagne féroce » contre l’ANC, relevant : « nous ne sommes pas des voleurs, nous n’avons pas pillé l’argent du peuple ».
Pour sa part, Jamel Touir (Ettakatol) a appelé la présidence de l’ANC à tenir une conférence de presse pour « clarifier » la question des indemnités des élus. Des dizaines de citoyens se sont rassemblés, samedi dernier, devant l’Assemblée nationale constituante (ANC) au Bardo pour lancer des pièces de monnaie sur la chaussée en face de l’ANC en signe de protestation contre des informations relayées au sujet de ces indemnités. Les protestataires, de tout âge, avaient scandé des slogans dans lesquels ils qualifiaient les constituants d’« opportunistes », de « matérialistes » et de « vendus ».