L’Assemblée générale de la Constituante consacrée, mardi, à la discussion de la motion de censure contre la ministre des Affaires de la femme, Sihem Badi, a été marquée par une grande polémique.Les constituants étaient partagés entre ceux qui défendent le maintien de Mme Badi à la tête de son département et ceux qui demandent son départ accusant la ministre “d’être le symbole d’un échec dans la gestion d’un ministère de souveraineté garant de l’avenir des jeunes générations”.
Le constituant Rabii Al Amdi (groupe wafa) a accusé la ministre des Affaires de la femme et le gouvernement dans son ensemble d’être inféodés à l’opposition qui cherche aujourd’hui, a-t-il dit, à lui retirer sa confiance et à le limiter à un gouvernement de gestion des affaires courantes dans l’attente des prochaines élections.
“Le gouvernement ne mérite pas une motion de censure ni d’être auditionné pour reddition de compte devant le pouvoir législatif”, a-t-il encore dit, affirmant que son groupe a décidé de ne pas retirer sa confiance à Mme Badi.
Les groupes parlementaires des partis de la Troïka, et particulièrement le groupe d’Ennahdha et le Congrès pour la république (CPR), se sont acharnés à défendre la ministre des Affaires de la femme.
La député Amel Azzouz (Ennahdha) a considéré la motion de censure comme un nouvel épisode pour instrumentaliser les évènements et les peines des citoyens et pour apporter un coup à un adversaire politique. “Il s’agit d’une tentative de dénigrement du gouvernement et de la ministre des Affaires de la femme en particulier et non pas la volonté de défendre l’enfance”, a-t-elle accusé.
“On craint que cet acharnement sur la ministre des affaires de la femme ne soit plutôt en réaction à sa neutralité dans le traitement des dossiers, une riposte aux critiques que Mme Badi a exprimé contre la campagne “femen” et pour défendre la légitimité de la constituante”, a-t-elle ajouté.
Pour Béchir Nefzi (CPR), la motion de censure contre Mme Badi est “une nouvelle pièce de théâtre humoristique”, affirmant que les attaques contre Mme Badi s’expliquent par le fait que la ministre a choisi de lutter contre la corruption et les suppôts de l’ancien régime.
M. Nefzi a également critiqué ceux qui ont présenté la motion de censure dans la mesure où ils se sont limités à recueillir des informations diffusées par les médias. “Il existe une différence entre les dossiers qui relèvent des prérogatives du ministère des affaires de la femme et ceux qui sont du ressort d’autres ministères”, a-t-il soutenu.
En contrepartie deux députés d’Ettakatol ont exprimé deux opinions divergentes. Le député Mouldi Riahi a indiqué qu’il rejetait la motion de censure dans la mesure où il refuse toute instrumentalisation politique de cette question. Il a affirmé la nécessité de revoir les critères d’octroi des autorisations de création de jardins d’enfants et de coordonner en cela avec les autorités locales et régionales pour mettre un terme aux jardins anarchiques.
M. Riahi a aussi critiqué la demande de Mme Badi de lever l’immunité de la député Najla Bouriel. Ce point de vue a été partagé par la députée Lobna Jeribi qui a estimé que la demande de Mme Badi reflète un échec dans la gestion des crises. Mme Jeribi a souligné qu’elle a adhéré à la motion de censure pour renforcer le rôle de contrôle qui revient à l’Assemblée et pour affirmer qu’aucun chèques en blanc n’est accordé au gouvernement.
D’un autre côté, des députés du Pôle démocratique et des indépendants ont fermement défendu la motion de censure. Le député Iyadh Dhamani a demandé aux constituants à faire prévaloir leur conscience lors du vote alors que son collègue Mohamed Hamdi a évoqué l’importance de cet exercice démocratique. M. Hamdi a aussi relevé que la ministre n’a pas été assez tacticienne dans le traitement de ce dossier et qu’elle est devenue, elle-même, par conséquent une composante de la crise. Il a aussi réfuté toutes les accusations adressées aux signataires de la motion de censure.
Parmi les indépendants, le député Hichem Hosni a pour sa part demandé l’adoption de la motion de censure appelant à la suppression du ministère des Affaires de la femme.
De son côté, le député Mohamed Tahar Al Ilahi s’est adressé à Mme Badi en lui disant : “personne ne doute de vos défaillances et de votre échec dans le traitement de certains dossiers, des dépassements et des échecs de décision particulièrement la demande de levée de l’immunité de la députée Bouriel. Je ne voterai pas la motion de censure parce que vous n’êtes pas la seule à être défaillante mais plutôt près de 70% des membres du gouvernement sont défaillants. Nous serons justes. Nous vous aiderons encore une fois et nous vous renouvelons notre confiance”, a-t-il dit.
Auparavant, la député Najla Bouriel avait présenté les motifs de la motion de censure citant en particulier le retard dans la mise en oeuvre du code de protection de l’enfance, la multiplication des jardins d’enfant anarchiques et le faible taux d’encadrement du secteur.
Mme Bouriel a aussi critiqué le traitement du dossier de la petite fille violée ainsi que les déclarations de Mme Badi à ce sujet. La motion de censure n’a pas comporté, a-t-elle dit, les dossiers de corruption financière, de mauvaise gestion et d’absence de transparence dans l’appui financier aux associations.
La réforme du secteur, a-t-elle relevé, nécessite une volonté et une mobilisation des efforts pour imposer la primauté de la loi et la mise en uvre des cadres législatifs relatifs à la fonction de délégué de protection de l’enfance.
Pour sa part, Mme Sihem Badi a évoqué les domaines d’interventions de son département mettant l’accent sur l’importance accordée au dossier des jardins d’enfants qui a fait l’objet de trois conseils ministériels. “Le dossier de la petite fille violée est protégé par le droit de réserve”, a-t-elle expliqué car il s’agit de préserver ses intérêts en tenant compte des aspects psychologiques, éducatifs et sociaux et de protéger le déroulement de l’enquête.
Mme Badi a aussi indiqué que son département a assuré depuis le 21 mars un suivi permanent du dossier et a mis en place une cellule de crise présidée par elle-même.
La ministre, qui a reconnu que ses déclarations étaient déplacées, s’est adressée aux constituants pour leur demander d’éviter de faire de même et d’attendre les résultats de l’enquête pour se prononcer sur cette affaire.
Elle a aussi souligné l’importance des efforts déployés par son département pour améliorer la situation de l’enfance. Les dossiers relatifs à ce secteur sont répartis entre différents départements d’où la nécessité de coordonner l’action entre les différentes parties, a-t-elle estimé.
Mme Badi a aussi affirmé que l’Assemblée Constituante est en droit de lui demander des comptes expliquant que sa demande de levée de l’immunité de la député Bouriel n’avait pas pour objectifs de défendre sa propre personne mais plutôt de défendre les droits de personnes honnêtes exerçant dans ce secteur blessés par les déclarations de Mme Bouriel.