Le rapport final de la commission d’enquête indépendante sur les incidents de Siliana (novembre 2012), a critiqué “l”usage excessif et injustifié de la chevrotine contre les manifestants”, de même que la non application des dispositions de la loi en matière de riposte graduelle aux protestations”, appelant l’Etat à assumer sa responsabilité pour rendre justice aux victimes de ces incidents”.
Les membres de la commission ont présenté, mardi, les résultats de leurs investigations, lors d’une conférence de presse tenue, à Tunis. Il en ressort que la commission est arrivée à la conclusion que le dialogue faisait défaut entre le représentant de l’Etat dans les régions et les partis politiques, les acteurs civils et les citoyens” et que “les habitants de Siliana se sentaient exclus et marginalisés”.
Outre le recours excessif à la grenaille, la commission fait état, dans son rapport, de l’utilisation de grenades lacrymogènes “périmées”, puisque leur date de fabrication remonte à 1988, selon elle, ce qui a provoqué deux cas d’avortement du fait de la densité des émanations de gaz.
Les membres de la commission ont indiqué qu’une nouvelle plainte en justice en rapport avec les incidents de Siliana sera déposée, incessamment, sur la base du rapport d’enquête.
Un des membres de la commission, Néji Bghouri, a confié à l’agence TAP que des abus avaient été commis massivement, faisant état de 173 blessés, dont 60 à la grenaille et un certain nombre de cas dans un état grave. D’après lui, certains blessés ont été atteints au dos par les tirs de chevrotine ce qui, dit-il, “montre que ces victimes n’avaient pas l’intention d’affronter les agents de l’ordre”.
Il a, également, fait état de blessures dans les rangs des forces de l’ordre, avec 134 cas recensés durant la période allant du 21 novembre au 5 décembre 2012, s’agissant de cas d’ecchymoses et de fractures occasionnées par les jets de pierres et de cocktails Molotov.
“L’Etat doit assumer sa responsabilité pour ce qui est de rendre justice aux victimes de ces incidents”, a déclaré Bghouri, relevant la réaction positive du président de la République provisoire, Mohamed Moncef Marzouki, au rapport de la commission qui lui avait été remis dans la matinée, ainsi que sa recommandation en faveur du suivi de la situation des blessés à la chevrotine de Siliana.
Il a, en outre, assuré que la commission s’était rendue sur les lieux et rencontré les parties prenantes politiques, civiles, médicales et sécuritaires, sans compter les victimes elles-mêmes.
Le rapport recommande, entre autres, d’indemniser d’urgence les victimes pour les divers préjudices subis, de leur assurer une embauche compatible avec leur état de santé et de concrétiser la demande récurrente pour la réforme du système sécuritaire et le renforcement du potentiel logistique et de l’équipement des agents de l’ordre.
La commission a, également, recommandé de nommer des responsables régionaux, indépendants des partis politiques, capables de dialoguer avec toutes les composantes de la société civile, ainsi que de constitutionnaliser les droits fondamentaux du citoyen, dont le droit des régions déshéritées au développement et le droit de chacun à l’emploi, à l’instruction et à la prise en charge sanitaire.
La commission d’enquête indépendante sur les incidents de Siliana, rappelle-t-on, avait été créée le 24 décembre 2012 à l’initiative du Forum tunisien des droits économiques et sociaux. Elle comprend Messaoud Romdhani, Néji Bghouri, Charfeddine Kellil, Imène Béjaoui et Romdhane Ben Amor.