Tunisie : Des enfants victimes d’abus sexuels dans les institutions de protection de l’enfance

abus_enfanceLes résidents des centres de protection de l'enfance sont des enfants, âgés de 6 à 18 ans, sans soutien familial, orphelins ou abandonnés volontairement ou sous la contrainte par leurs parents.

"Ces enfants que la vie n'a pas choyé sont parfois doublement victimes de violences et d'atteinte aux droits de l'enfant", a confié à l'Agence TAP Sami Yahyaoui, sous-directeur de la protection de l'enfance.

Au cours des trois dernières années (2010/2012), cinq cas d'abus sexuels ont été relevés dans les centres d'enfance, selon le ministère des affaires de la femme et de la famille.

"Le ministère est conscient de la gravité de ce phénomène", a dit M. Yahyaoui qui cite l'organisation ces derniers mois de quatre conférences dans différentes régions avec la participation de plusieurs cadres des institutions de la protection de l'enfance.

Des mesures ont été adoptées en vue d'intensifier la formation, la prévention et la sensibilisation des enfants et du personnel de ces institutions en matière de lutte contre la violence et l'abus sexuel, a-t-il ajouté.

Un guide de procédures de prise en charge des enfants victimes d'abus sexuel sera aussi disponible dans quelques mois. Ce document vise la prévention et la protection des enfants pris en charge par ces centres "contre toute forme d'abus sexuel", a dit M. Yahyaoui.

"Les auteurs d'abus sexuels dans les centres sont plutôt des garçons qui cohabitent dans le même centre", a-t-il noté, indiquant toutefois que deux ouvriers du centre intégré pour enfants ont été licenciés et traduits en justice pour avoir tenté d'abuser sexuellement d'une jeune adolescente hébérgée dans l'un des centres.

Selon le sociologue, Sanim Ben Abdallah, parmi les facteurs qui encouragent ces abus on note le silence des enfants victimes, une culture sociétale qui considére cette question comme un sujet tabou, l'absence d'informations, le manque d'éducation sexuelle et de structures de prise en charge de cette catégorie d'enfants.

La question est d'autant plus poignante, que les constituants n'ont pas manqué d'évoquer, la semaine dernière, cette question lors du débat avec la ministre des affaires de la femme et de la famille Sihem Badi, attirant l'attention sur le problème des abus sexuels et des viols de garçons dans certains centres, dont celui de Sidi Thabet.

Critiquant l'absence de contrôle au sein de ces institutions, Mohamed Tahar Ilahi, député, a souligné le caractère "dangereux" de ces dépassements. Un avis partagé par la députée Monia Ibrahim qui a dénoncé des cas de malversation financière mais aussi "d'harcèlement sexuel" dans nombre des centres intégrés pour enfants, sans le nommer.

Face à ces interrogations, Mme Badi a expliqué que la question retient l'attention de son département relevant toutefois qu'il s'agit de "cas rares et isolés". Un seul cas a été enregistré en 2012, contre 3 en 2011 et un seul cas en 2010.

Une stratégie pour améliorer la gestion des centres de protection de l'enfance sera lancée par le ministère des affaires de la femme, dont l'élaboration d'un cadre juridique pour prévenir l'abandon familial des enfants, a expliqué M. Yahyaoui.

Un renfort en ressources humaines spécialisées sera également apporté aux complexes pour enfants particulièrement en matière d'appui psychologique et social des enfants et de leurs familles.

Cette mesure est importante sachant, qu'en 2012, les 70 complexes pour enfants comptent 3408 résidents alors que les 23 centres hébergent 2277 enfants. Parmi ces enfants on compte 1508 orphelins, 464 enfants de parents divorcés, 41 enfants dont les parents sont en prison et 600 cas d'enfants issus de familles démunies incapables de subvenir à leurs dépenses.

Ces institutions qui assurent une protection, un hébergement approprié, des soins gratuits, un appui éducatif et psychosocial, sont un refuge pour ces enfants sans soutien face aux aléas de la rue et des dangers d'une vie de précarité et de délinquance, explique M. Yahyaoui.

Quelque 455 enfants ont été réinsérés dans la société, dont 258 ont rejoint leurs familles, 173 jeunes ont trouvé un emploi et 24 filles ont été mariées.

DI/TAP