Le gouvernement a commis une grave erreur en tirant à la chevrotine sur les indignés de la ville déshéritée de Siliana (nord-ouest de Tunisie), les confondant apparemment avec du gibier. La police l’a fait, en plus, de la manière la plus abjecte et la plus lâche en tirant soit dans le dos, soit à bout portant dans les yeux.
Le témoignage du journaliste David Thomson, correspondant de la chaîne d’information France 24, touché, à Siliana, par des tirs de chevrotine, lors d’affrontements entre des manifestants et forces de l’ordre, est édifiant à ce sujet. Il a déclaré que «les policiers m’ont tiré dans le dos», ajoutant que les médecins lui ont retiré 14 plombs tandis que le reste des grenailles, il le gardera durant toute sa vie. Il a révélé également avoir vu des jeunes manifestants, touchés par la chevrotine, perdre la vue.
Pour certains analystes, cette répression disproportionnée et surtout l’usage de la chevrotine rappelle, à un élément près, ce qui s’était passé, il y a deux ans, lorsque Ben Ali, pour mater la rébellion à l’intérieur, avait voulu frapper fort en donnant l’ordre à sa police de tirer à balles réelles sur les manifestants de Kasserine et de Thala.
Beaucoup considèrent que le gouvernement a commis une autre grave erreur en accusant ouvertement la centrale syndicale (UGTT) et le Front populaire d’être derrière toutes ces violences.
Il a oublié que les syndicats n’ont décidé d’encadrer la colère du peuple de Siliana que parce qu’en l’absence de dialogue avec le gouverneur nahdhaoui, les indignés, opprimés et laissés pour compte, de tout bord, n’ont trouvé que dans l’UGTT, l’unique cadre et l’unique canal pour se faire entendre et pour attirer l’attention de la communauté nationale sur leur misère socio-économique.
Il a oublié qu’aucun parti politique en Tunisie, y compris le Front populaire, n’ose dire qu’il dispose à l’intérieur du pays d’une masse conséquente d’adhérents qu’il peut mobiliser à tout moment. Faut-il le rappeler, les partis ne font, jusqu’ici, que trotter derrière les manifestants et tenter de les courtiser. C’est pour dire que ce sont les manifestants qui mobilisent les partis et non le contraire. Dont acte.
Le gouvernement a commis une troisième erreur en défendant ongle et bec un gouverneur nahdhaoui jugé ou qualifié d’«incompétent». Le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, s’est personnellement discrédité en déclarant qu’il n’y a plus de place pour les «dégage et que le gouverneur de Siliana ne sera pas limogé même s’il faut qu’il quitte le gouvernement avant lui».
Et pourtant, à regarder de près, les déboires de ce gouverneur ne datent pas d’aujourd’hui. Au mois d’août dernier, l’Union régionale du travail de Siliana, par la voix de son secrétaire général adjoint, Ahmed Chefai, avait déploré sur les ondes de Radio Express Fm, le traitement de problèmes sociaux par des moyens sécuritaires et judiciaires. A l’époque, la région avait connu des tensions sociales en raison de l’arrestation de deux diplômés du supérieur à la suite d’une altercation avec le délégué de Makhtar. Donc, ces altercations ne sont pas nouvelles.
Abou Sarra
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