«Jamais je n’aurais imaginé qu’après la révolution, au lieu de m’intégrer dans le combat pour la parité, l’amélioration de la position des femmes dans les sphères de décision et la défense des droits syndicaux, je me trouverais là devant vous à appeler à préserver les acquis du CSP de 1959, un retour en arrière désolant, c’est insensé, un acquis est un acquis, on n’y revient pas » s’écria en sanglots Ons Jaber, lors de la première rencontre organisée par la commission femmes au siège du parti Nidaa Tounes à l’occasion de la fête de la femme lundi 13 août. Une occasion d’annoncer la création au sein du parti de la commission «Egalité/Parité».Une occasion aussi pour Béji Caïd Essebssi, président du parti de montrer les dents en déclarant à l’ouverture de la rencontre : «Les acquis des femmes en Tunisie sont une ligne rouge que personne ne doit franchir et si nous devons nous battre pour les préserver, nous n’hésiterons pas à le faire».
Résolument tournées vers le futur, les femmes tunisiennes porteuses de changements et d’espoirs ont été pendant longtemps un exemple dans le monde arabo-musulman et «C’est le peuple tunisien qui a institutionnalisé la libération des femmes par le CSP, Bourguiba en était l’artisan mais il a exprimé la volonté de tout un peuple et on ne reviendra pas la dessus «habba man hab wa kariha man kari » (Qu’on le veuille ou non) a déclaré le président de Nidaa Tounes,».
Rétrogrades ! C’est ainsi que BCE a traité ceux qui œuvrent à faire machine arrière des droits de la femme. Faisant allusion à l’article 28 proposé dans le cadre du projet de lois de la commission des Droits et des Libertés à la Constituante, il tonna : «La Tunisie a toujours été un phare dans la région par sa dimension progressiste et moderniste. Au 21ème siècle, il n’est nullement question de priver la société de sa moitié ou de l’asservir. Les Tunisiennes sont arrivées là où elles sont maintenant par force luttes, il n’est pas question de les réduire à un simple complément de l’homme. Comment peut-on même en avoir l’idée ?… ». Béji Caïd Essebssi a profité de l’occasion pour rappeler que lorsque le drapeau tunisien a été descendu par un salafiste, c’est une jeune étudiante Khaoula Rachidi qui l’a de nouveau hissé.
La jeune Tunisie, sortie fraichement de la colonisation avait accordé la primauté aux droits des femmes avant même l’éducation qui représentait une priorité absolue pour le pays a tenu à préciser le président de Nidaa Tounes. Et ce n’est pas l’histoire qui le démentirait car pour Bourguiba, fondateur de la Tunisie moderne : «Rien ne devait être négligé pour renverser enfin le mouvement de la roue qui ravalait la femme, depuis des siècles, à la condition d’un être méprisable ou d’un objet sans prix …..C’est pour cette raison qu’il fallait donner la priorité absolue au problème de la femme» disait-il.
Parce que les femmes ont, de tous les temps, joué un rôle important dans notre pays, on y fête deux journées qui leur sont proprement dédiées, celle du 8 mars et celle du 13 août date anniversaire de la promulgation du CSP et une journée où c’est toute la nation qui fête les femmes. Un 13 août qui promet cette année d’être mouvementé car une grande manifestation s’y prépare ce lundi pour célébrer la fête des femmes et appeler à consolider leurs acquis.
Pour Samah Damak, de Nidaa Tounes, beaucoup reste encore à faire et la parité n’est pas pour demain. «Nous voulons être des alliées et des parties prenantes dans le développement socio-économique du pays et des actrices dans ses orientations politiques. Ce que nous désirons, est favoriser l’insertion économique des femmes, renforcer leur positionnement politique et lutter contre toute forme de discrimination à leur égard»
Les acquis des femmes en Tunisie sont-ils réellement menacés par un rebond d’idéologies et de dogmes qui semblent bien loin de l’esprit d’ouverture et de tolérance prôné par l’islam ?
Des décennies auparavant, Bourguiba déclarait : «Nous ne saurions oublier que nous sommes des Arabes, que nous sommes enracinés dans la civilisation islamique, pas plus que nous ne pouvons négliger le fait de vivre la seconde moitié du vingtième siècle. Nous tenons à participer à la marche de la civilisation et à prendre place au cœur de notre époque».
Il y a quelques jours, Rached Ghannouchi, déclarait à l’occasion d’un Iftar organisé par son parti en l’honneur d’une assistance hétéroclite de personnalités tunisiennes et étrangères «Nous ne reviendrons pas sur le principe de l’égalité entre l’homme et la femme». En est-il vraiment convaincu ou serait-ce tout simplement de la poudre aux yeux?
Amel Belhadj Ali