Le ministère de l’Intérieur a pour obligation de défendre l’intérêt de la collectivité et l’application de la loi. Il assure le maintien et la cohésion des institutions du pays et garantit aux citoyens l’exercice des droits, devoirs et libertés. Ses compétences touchent à la vie quotidienne des citoyens et vont de la sécurité publique à celle de la sécurité civile et jusqu’aux libertés publiques, aux élections et aux collectivités locales.
Ceci dans la théorie et ce qui devrait prévaloir sur le terrain. Dans les faits, la réalité est toute autre et à commencer par la dernière attaque dont fût victime le Cheikh Abdelfattah Mourou en l’absence de toute présence policière à Kairouan. En cette même journée, du 5 août dernier, un membre du parti Al Joumhouri y a été poignardé par un salafiste.
Kairouan, une ville qui abrite une direction régionale du renseignement et une cellule antiterroriste, où l’Islam malékite modéré fût rapidement remplacé, grâce à la «révolution» par un islam extrémiste imposé par une poignée d’illuminés qui évolueraient dans la ville en toute impunité…
Avant Kairouan et l’agression perpétrée à l’encontre de Me Mourou, il y a eu celle de Jawhar Mbarek à Douz. Lorsque des assaillants scandant «Allahou Akbar» ont envahi la salle où il devait intervenir et attaqué les personnes présentes, le président du réseau Doustourna aurait pu y rester si les organisateurs ne l’avaient pas protégé.
Al Ebdellia, opération perpétrée en l’absence de toute information…
Ensuite, il y a eu l’affaire «El Ebdellia» où en une seule soirée, plusieurs centaines d’extrémistes ont avancé de concert vers le palais comme une armée bien organisée ou plutôt une secte disciplinée «Ils sont partis en même temps de la Cité Azzayatin, Cité El Khadra, Sidi Hassine, Cité El Intilaka, tous vers une seule destination Al Ebdellia. Personne ne peut nous faire croire que cette opération n’avait pas été préparée et bien orchestrée des semaines à l’avance. Pour que tous ces individus suivent un seul mot d’ordre : s’attaquer à la Ebdellia, il doit bien y avoir quelqu’un qui a mené la dance. “Parmi les frondeurs, il y avait des personnes en possession de cannabis…”, s’étonne un responsable sécuritaire qui a préféré taire son nom.
Plusieurs centaines de personnes en l’absence de toute organisation et de toute préparation policière, c’est comme si nous vivions dans un pays où le renseignement n’existe plus et où le destin de milliers de Tunisiens dépendait de la réactivité immédiate des forces de l’ordre «Ce n’est pas évident, rétorque le même responsable sécuritaire, la police dans le cas d’El Ebdellia a été leurrée, car on a commencé par s’attaquer à la ville de la Marsa et toutes les patrouilles s’étaient dirigées là-bas alors qu’il s’agissait tout juste d’une diversion pour charger le Palais El Ebdellia.
Le renseignement ne fonctionnait pas tout simplement »…Il parait même que des extrémistes se sont déplacés de Djerba pour rejoindre les «djihadistes» anti Ebdellia…
Les questions qui se posent, comment a-t-on pu organiser une opération aussi bien «rimée» sans que personne dans l’appareil sécuritaire du pays n’y prenne garde ? Où a été donné le mot d’ordre? Dans les mosquées? Les écoles coraniques? Les cafés? Comment pouvons-nous nous sentir en sécurité si des opérations de cette envergure peuvent être exécutées au vu et au su des responsables sécuritaires du pays?
Pire, à chaque fois que la police effectue parfois de son propre chef une opération coup de point à l’encontre des extrémistes religieux, ils sont vite relâchés par une justice « impartiale, neutre et soucieuse du bien être des citoyens » (sic).
Dernière opération en date, celle de Sejnane où des forces de la sureté publique ont atterri dans la montagne dans laquelle s’étaient réfugiés les extrémistes. Plus d’un millier auraient été arrêtés, ils ont tous été relâchés ou presque…Juste après, Taoufik Dimassi, directeur général de la Sureté Publique est remplacé par Wahid Toujani qui était en poste à Médenine et lequel d’après nombre de témoignages n’a pas une grande expérience de la gestion de la sureté publique à l’échelle nationale et surtout dans les grandes villes.
Wahid Toujani, était lui-même le responsable de la sécurité dans la région lors des émeutes qui ont eu lieu à Ben Guerdane. Chokri Belaïd, avocat et porte-parole du mouvement des patriotes démocrates avait alors déclaré sur les ondes de Mosaïque FM « qu’un groupe d’individus aurait terrorisé et chassé des familles entières de leur terre à Ben Guerdane, dans « un silence absolu des autorités ….et que de graves violations de la loi, accompagnées de crimes « passibles de la peine capitale » se sont produites dans cette région.
Selon ses dires, sans intervention des autorités tunisiennes. Parmi les agresseurs, des personnes qui prétendraient être des parents d’Ali Laârayedh, ministre de l’Intérieur, et qui penseraient être, de ce fait, au-dessus de la loi ». Le ministre de l’Intérieur a très vite démenti mais devons-nous voir dans la nomination de Wahid Toujani aujourd’hui une action de cause à effet ?
Nouveaux procédés dans les nominations des responsables au ministère
D’ailleurs, le mouvement des nouvelles nominations qui a eu lieu au ministère de l’Intérieur nous interpelle à plusieurs titres …Car auparavant, les mutations et les changements de postes démarraient par les simples agents pour passer progressivement aux sous-chefs, chefs de services, directeurs et finir par les directeurs généraux. Aujourd’hui, on est passé du changement de postes des agents directement à la nomination des directeurs généraux.
Selon des responsables, ceci est inquiétant dans la mesure où il annoncerait une main mise sur l’appareil sécuritaire par le parti majoritaire. Car à supposer que l’on nomme dans les postes à responsabilités des directeurs généraux sympathisants et obéissants, ils désigneront à leur tour des cadres et cadres moyens conquis d’avance et dans ce cas, la loi ne prévaudra plus, ce sont les ordres qui seront exécutés par les corps de police, rappelons le très disciplinés et qui peuvent se faire au détriment de la loi.
Cela reste une hypothèse mais devant les nouvelles pratiques qui courent dans le ministère de l’Intérieur, nous ne pouvons ne pas la soulever.
Le ministère de l’Intérieur est-il en train de vivre une nouvelle phase de « désinstutionnalisation » et de changements profonds de ses traditions en matière de gestion des personnels ? La question mérite d’être posée…
Sur un tout autre volet, nous ne pouvons pas ne pas relever la situation catastrophique de la propreté en Tunisie. Des amas de saletés répandues partout à tel point que le choléra et la peste ont réapparu au Pays et en l’absence de communes et de services municipaux actifs et efficients pour procéder correctement au nettoyage.
Alors que les habitants de toute commune paient le service d’assainissement via le paiement d’une taxe de nettoyage, ils souffrent tous des odeurs pestilentielles provoquées par les détritus et des milliers de moustiques. Dans l’attente, les guerres sont déclarées entre ceux qui doivent occuper des places aux conseils municipaux et ceux qui doivent être écartés.
Le ministre de l’Intérieur avait déclaré lors d’une rencontre fortuite dans un Forum « Notre priorité est la sécurité, nous allons maintenant nous occuper des communes et de leur propreté ».
«Il est important que la Tunisie œuvre à donner des signaux positifs à la communauté internationale et aux investisseurs étrangers à travers la réalisation d’un processus de réforme globale qui assure une relance de l’économie tunisienne» avait déclaré ce lundi Massoud Ahmed, directeur du département Moyen-Orient et Asie Centrale au Fonds monétaire international (Fmi).
Les signaux doivent concerner aussi bien les réformes économiques que les dimensions sécuritaires. Pour ce, le ministère de l’Intérieur se doit de garder sa neutralité, de veiller au respect de la loi, de ne pas laisser libre cours aux aspirants « fakih » tels ce Adel Almi, président d’Al Jamiâa Al Wassatia Li Tawiâa Wal Islah, lequel appelle, les touristes à respecter les traditions du peuple tunisien relatives au mois Saint et promet que des lois seront prochainement promulguées en vue d’imposer un code vestimentaire décent.
Qui est-il pour s’attaquer à une liberté inscrite dans toutes les constitutions : la liberté vestimentaire (horriat al libess)… ? Est-il une police parallèle ? A-t-il été chargé par un organe officiel de veiller aux « bonnes mœurs » suivant ses codes à lui ?
Pareilles pratiques dans un pays réputé modéré et ouvert comme la Tunisie sont-ils de nature à envoyer des signaux positifs à l’international ?
Amel Belhadj Ali
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