Diplomatie Tunisienne : Nouveau cap, nouvelle méthode

L’attitude du nouveau pouvoir par rapport à la question syrienne divise l’opinion publique : alors que certains sont favorables au soutien affiché à la révolte dans ce pays, d’autres estiment que cette prise de position nuit aux intérêts de la Tunisie. Alors que la situation en Syrie s’enlise dans un engrenage géopolitique aux multiples enjeux internationaux, la position tunisienne met un bémol à son soutien à la révolte populaire et à l’opposition : l’intervention militaire étrangère reste une ligne rouge.

Néanmoins, par ces prises de position notre diplomatie renonce au sens de la réserve et à la discrétion qui la caractérisaient depuis l’indépendance. Elle a choisi d’être plus volontariste et de ne pas attendre des résolutions onusiennes avant d’agir.

 

Cette politique étrangère se rapproche des positions affichées de certains pays du Golfe, notamment le Qatar, sans pour autant s’y conformer. A maintes reprises les Tunisiens se sont démarqués des prises de position de ce pays, frôlant parfois l’incident diplomatique. D’aucuns répètent que le Qatar exécute un nouveau plan américain pour la région, mais nos dirigeants insistent sur l’indépendance de nos prises de position, dictées par la nouvelle réalité révolutionnaire tunisienne et par une volonté de sortir de la mollesse diplomatique des années Ben Ali.

En ce qui concerne notre voisinage immédiat, nos relations avec nos voisins de l’ouest sont passées par quelques moments difficiles. Marzouki a choisi d’aller en Libye pour son premier déplacement à l’Etranger. Ses déclarations à Tripoli ont provoqué un certain agacement chez les « grands frères » Algériens. En toile de fond se profilent plusieurs sujets d’actualité avec ce pays : par exemple, les Algériens estiment à juste titre qu’ils ont aidé financièrement la Tunisie quand cette dernière en avait grand besoin (aide financière octroyée courant 2011 à la demande du gouvernement de l’époque). Lors de son séjour à Alger,  à la fin de sa tournée maghrébine, M. Marzouki insiste pour dissiper les malentendus et affirmer une volonté ferme de consolider les liens avec l’Algérie, non seulement à un niveau bilatéral, mais surtout mutilatéral. A son retour d’Alger, il annonce la tenue prochaine d’un sommet maghrébin à Tunis. Une première victoire qu’il faudra concrétiser rapidement pour convaincre les citoyens maghrébins que quelque chose a réellement changé.

Nos relations avec les voisins du nord semblent reléguées au second plan. Alors que 3 ministres d’affaires étrangères européens défilent à Tunis entre le 6 et le 9 janvier, le gouvernement semble plus occupé par une autre visite, celle du chef du gouvernement de Gaza, Ismaïl Haniyeh. Très controversée, cette visite semble être la raison pour laquelle le président palestinien a boudé les festivités du 14 janvier. Ces festivités, justement, ont connu plusieurs autres absents. Mais malgré tout, la commémoration de la première révolution arabe contemporaine s’est passée sans incident majeur, bien que le gouvernement n’ait disposé que de deux semaines pour la préparer.

Malgré les succès relatifs et le dynamisme de la nouvelle diplomatie, certains pointent du doigt quelques dysfonctionnements : confusion des rôles, interférence du parti Ennahdha avec l’appareil de l’Etat, précipitation et absence de concertation, etc. Malgré tout, la tournée du président dans les pays du Maghreb ainsi que sa participation au sommet africain ont été plutôt concluantes. Le président, qui n’hésite pas à bousculer le protocole en recevant des ambassadeurs dans son bureau ou même des chargés d’affaires, devra de plus en plus s’appuyer sur les diplomates tunisiens qui semblent être à la marge de ce qui se passe. Selon le syndicat des diplomates, au cas où un remaniement a lieu dans le corps des ambassadeurs, il devra conserver une majorité de diplomates de carrière et éviter les nominations dites « politiques » (personnalités issues des partis, par exemple).

A la colline du Nord-Hilton, au siège du ministère, cette demande fait partie de plusieurs autres. Le syndicat qui avait déjà plusieurs revendications non satisfaites sous le gouvernement Caïd Essebsi multiplie les communiqués et menace de faire grève si la nouvelle équipe dirigeante n’écoute pas ses revendications.

Blog : Cahiers de la liberté de Karim Mejri