Pour la première fois en Tunisie, les Amazighs (Berbères) rassemblés en association souhaitent agir au grand jour et se faire entendre par l’Assemblée constituante élue le 23 octobre dans la foulée de la révolution qui a chassé l’ex-président Ben Ali du pouvoir.
“Nous avons été trop longtemps marginalisés et exclus, maintenant est venu le temps de revaloriser notre patrimoines en tant que composante de la société”, indique dans un entretien à l’AFP Jalloul Ghaki, secrétaire général de l’association tunisienne de la culture Amazighe (ATCA)
Cette association légale déposera ses “revendications pour la reconnaissance de la culture amazigh” à l’assemblée constituante –qui doit tenir sa première réunion le 22 novembre– et devant le gouvernement en cours de formation. M. Ghaki tient à écarter toute visée ou projet séparatiste en Tunisie.
Selon lui, si 50% des Tunisiens arabisés sont d’origine berbère, moins d’un pour cent de la population parle encore le dialecte (chelha) dans quelques régions du sud et dans des villages de l’ile de Djerba.
“Nous n’avons aucun projet séparatiste contrairement aux accusations qui pèsent sur nous depuis longtemps”, souligne M. Ghaki, un ancien prisonnier politique de gauche.
“Même si nous comptons former un parti, nous serons contre toute idée séparatiste, pour nous la Tunisie est indivisible de Borj el Khadra (pointe de l’extrême sud) à Bizerte (extrême nord)”, affirme-t-il.
“Nous ne renions pas l’arabisation du pays –les arabes étant venus après les romains– mais nous sommes les habitants authentiques de cette terre et nous avons le droit du sol pour lutter contre la marginalisation”, poursuit l’homme originaire de Tamezret.
L’ATCA a été légalisée le 30 juillet 2011, soit 34 ans après la création en 1984 d’un noyau clandestin pour la protection du patrimoine Amazigh à Tamezret, village d’un millier d’habitants dans le sud-est de la Tunisie.
Ce village qui ne compte que 620 habitations a accueilli en août 10.000 personnes de Tunisie et d’ailleurs pour un festival célébrant la culture berbère.
L’association compte procéder à un recensement des Amazighs en 2012 et sa page Facebook affiche des centaines de fans “parlant ou ne parlant pas la langue”, relève-t-il.
M. Ghaki, qui tient l’Amazigh de sa mère octogènaire, affirme que les berbères au Maroc, en Tunisie et en Libye (Nalout, Yfren, Zenten, Zouara) descendent de la même lignée et ont un lexique commun à 45%, à la différence des berbères de la Kabylie en Algérie.
“Notre objectif est de sauver le patrimoine, l’alphabet tifinaghe et de lutter contre la négation”, s’enthousiame l’homme spécialiste de plantes médicinales.
Son association est implantée à Nabeul (nord-est), Gafsa (ouest), Tataouine (extrême sud), Gabes (sud), Béja et Mjaz el Bab (nord-ouest) et Bizerte (nord).
Elle a fait son entrée au Congrès mondial Amazigh (CMA) qui a tenu son assemblée générale en octobre à Djerba, l’île touristique du sud tunisien.
“Le CMA est notre grand syndicat basé en France. Un pays qui a toujours soutenu les mouvements Amazighs”, note M. Ghaki.
“Tout ce qu’on demande c’est la reconnaissance de nos droits culturels”, lance la présidente de l’ACTA, Khadija Ben Saidane, s’insurgeant contre “la négation et l’ignorance” récemment affichées, selon elle, par une élue d’Ennahda, parti islamiste disposant de 89 des 217 sièges de l’assemblée qui rédigera une nouvelle constitution pour la Tunisie post-Ben Ali.
Mme Ben Saidane faisait référence à Souad Abderrahim qui a dit ignorer l’existence d’Amazighs en Tunisie dans un récent entretien avec une radio étrangère. (AFP)