Dérapages audiovisuels : Plaidoyers pour la zatla (1/2)

Les dérapages multiformes qui ont lieu, ces temps-ci, sur les plateaux audiovisuels de chaînes privées, suscitent plus d’une interrogation. D’abord par leur timing, ensuite par leur thématique, et enfin, par leur concomitance dans toutes les chaînes privées. Au regard de la gravité de ces dérapages, certains observateurs exaspérés sont allés jusqu’à regretter l’historique censeur, «le sinistre ministère de l’Information».
S’agissant du timing, tout indique que ces animateurs ont choisi, presque en chœur, d’aborder des thèmes qui sont loin d’intéresser, du moins pour le moment, des Tunisiens soucieux avant tout de leur sécurité et de leur pouvoir d’achat, à la veille de cinq périodes de grande consommation successives: Ramadhan, fête de l’Aïd el Fitr, vacances estivales, rentrée scolaire et fête de l’Aïd Idha. …

Qu’en est-il exactement? Des animateurs, encadrés de près par des patrons aux ordres de lobbies occultes, se sont employés, par le biais d’invités acquis d’avance à leur cause, à convaincre les Tunisiens de l’intérêt qu’il y a pour eux, entre autres, à dépénaliser le cannabis «zatla» et à tolérer le pèlerinage des chiites à Mahdia.
La Tunisie n’est pas le Canada pour que le cannabis soit vendu chez le buraliste
Le premier dérapage concerne la dépénalisation de la zatla, ces animateurs, après avoir fait, par l’effet de leur inculture, le lit du terrorisme en faisant le jeu des djihadistes sur leurs plateaux, ont sauté sur l’affaire Aziz Amami, blogueur et activiste politique, arrêté pour détention de cannabis, selon la police, pour mener une campagne en faveur de la légalisation de la zatla et pour la révision de la loi 52 pénalisant sa consommation.
Les avocats invités, tout en s’interdisant d’être pour la légalisation de la consommation de stupéfiants, estiment, toutefois, que les peines prévues par la loi 52 sont très lourdes, soit un minimum d’une année de prison ferme et une amende de plus de mille dinars, d’où l’enjeu pour eux de la réviser en vue, soit d’alléger les peines, soit de les convertir en amendes.
Les justificatifs seraient, pour eux, «le nombre effrayant» des détenus en prison pour consommation de cannabis, soit 8.000 sur un total de 25.000, et la fragilité de la frange des jeunes qui la consomment (17 à 25 ans).
Et pour clore leur argumentation, ils citent les exemples du Canada et de la Hollande où le cannabis est acheté chez les distributeurs.
Par contre, ils évoquent avec peu d’insistance, voire avec un peu de conviction, les fournisseurs et leurs complices parmi les douaniers, policiers et militaires qui les aident à introduire le cannabis dans le pays.

Nidaa Tounès pour une application de la loi selon la tête du client
Mention spéciale ici pour l’intervention de Noureddine N’ticha, dirigeant du parti Nidaa Tounès lors d’une émission consacrée à ce sujet sur la chaîne Nessma. Ce dernier a demandé un traitement spécial et à la carte pour ce qu’il appelle «les notoréités», les gens de renommée publique comme Aziz Amami.
Cette recommandation à la police dit long sur ce que nous prépare Nidaa Tounès si jamais il prend le pouvoir. Ce dirigeant doit comprendre que la loi doit s’appliquer à tous sans distinction aucune, même si dans son parti chacun semble être persuadé d’être un individu unique et singulier, absolument différent de tous les autres et qui a, par conséquent, droit à un traitement spécifique.

Décryptage: Logiquement, en cette période de transition, le bon sens commande de maintenir cette loi car il y va de l’avenir des jeunes générations, d’éviter d’accorder moins de tribunes audiovisuelles aux consommateurs de zatla et de donner la parole plutôt aux experts et militants de développement qui peuvent orienter cette minorité de jeunes déboussolés vers d’autres activités plus valorisantes.
Cela pour dire que ce dossier doit faire l’objet, une fois le pays stabilisé, d’un débat national et même d’un référendum. Il faut néanmoins dissuader certains lobbies de profiter de la fragilité actuelle du pays pour mettre la pression afin que la loi soit révisée.
La Tunisie, un pays sous-développé, n’a pas encore atteint un degré de développement similaire aux pays industrialisés pour se permettre de tolérer la vente de la zatla chez les buralistes. La comparaison ne s’y prête pas, hélas.
Il y va désormais de l’avenir du pays et de celui des générations futures. C’est déjà assez qu’on tolère la consommation d’alcool à partir de 8 heures du matin.

A suivre : Dérapages audiovisuels : Plaidoyers pour le pèlerinage des chiites à Mahdia