Un an après les premières élections « libres » de Tunisie du 23 octobre 2011, l’Assemblée nationale constituante (ANC) issue de ce scrutin, a fêté, mardi, l’événement sans fanfare ni trompette. Au perchoir, la coalition au pouvoir représentée par Moncef Marzouki, le président de la Tunisie, Moustapha Ben Jaafar, président de l’ANC, – tous deux dirigeants de partis de centre gauche -, et Hamadi Jebali, le chef du gouvernement, secrétaire général du parti islamiste Ennahda, se sont relayés pour tenter de donner un peu de souffle à cette « journée historique », marquée par des tensions dans le pays.
Mais un an après, le cœur n’y est pas. Les interventions des trois « présidents » de l’exécutif se sont déroulées dans un hémicycle à moitié vide, boycotté par plusieurs partis d’opposition. Les élus ne sont pas au rendez-vous du 23 octobre 2012 qui devait signifier la fin du bail des travaux de l’Assemblée constituante et l’organisation de nouvelles élections générales. La future Constitution n’a pas encore été adoptée, et au mieux, les prochaines élections auront lieu le 23 juin, selon la date proposée par la troïka au pouvoir qui s’est mise d’accord sur la nature du régime mi-parlementaire, mi-présidentielle.
« Nous devons organiser de nouvelles élections avant l’été, ce sera notre deuxième victoire », a insisté Moncef Marzouki. Tout en soulignant qu’« il n’y a pas plus dangereux que les périodes transitoires », le chef de l’Etat a appelé à l’apaisement des tensions.
“Vague de violence”
A Gabès, où un couvre-feu a été instauré, des échauffourées opposent depuis plusieurs jours des jeunes aux forces de l’ordre. Plus au sud, à Tatatouine, le 18 octobre, des affrontements entre pro-Ennahda et partisans de Nida Tounès, le parti de Béji Caïd Essebsi désigné par ses adversaires comme le représentant de l’ancien régime, ont dégénéré, provoquant la mort d’un homme, Lotfi Naguedh, représentant local de Nida Tounès.
L’opposition a immédiatement dénoncé « le premier assassinat politique » d’après-révolution. « La montée de la vague de violence est une ligne rouge que nous ne devons pas franchir, a déclaré Moustapha Ben Jaafar. Cette vague appelle tous les partis à privilégier la raison et la discussion ».
« Il faut accélérer la rédaction de la Constitution et la création d’une Instance indépendante des élections, la réforme de l’administration et des médias », a plaidé pour sa part Hamadi Jebali, chef du gouvernement dominé par son parti islamiste, qui a également insisté pour respecter le calendrier proposé. Les trois orateurs ont tour à tour promis une Constitution basée sur « le consensus ». Dans l’après-midi, mardi, les élus réunis en séance plénière, devaient commencer à discuter le préambule de la Constitution expurgé de tout élément polémique.
Maigres cortèges
A l’extérieur, de maigres cortèges opposaient des partisans des deux camps, islamistes contre progressistes. La veille, quelque 3 000 personnes ont défilé sur l’avenue Habib Bourguiba, à Tunis, pour réclamer la « fin des violences » attribuées à la Ligue de la protection de la révolution, considérée comme une « milice » d’Ennahda.
En tête du défilé, le Front populaire, qui tente de se positionner comme la troisième force politique du pays et qui réunit des organisations communistes et de la gauche radicale, renvoyaient dos à dos Ennahda et Nida Tounès.
A l’arrière, les partisans de Nida Tounès brandissaient la photo du mort de Tataouine. Limitées, ces manifestations semblent cependant concerner bien peu la société tunisienne, davantage préoccupée par les difficultés de la vie quotidienne et par trouver de quoi acheter un mouton pour célébrer, le 26 octobre, la fête de l’Aïd.
Texte d’Isabelle Mandraud
Source: http://maghreb.blog.lemonde.fr