Reporters Sans Frontières (RSF) vient de publier un communiqué dans lequel elle s’étonne de l’empressement des autorités a émettre un mandat de dépôt à l’encontre de Sami Fehri.
Un mandat de dépôt a été émis, le 24 août 2012, par la chambre criminelle de la cour d’appel de Tunis, à l’encontre de Sami Fehri, directeur de la chaîne Attounissia TV. Ce dernier est poursuivi pour les préjudices financiers subis par la Télévision nationale tunisienne à l’époque du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, notamment de potentiels dépassements contrevenant aux contrats signés entre la Télévision nationale et Cactus Production, une société actuellement sous contrôle judiciaire. Sami Fehri en était actionnaire aux cotés de l’homme d’affaires Belhassen Trabelsi, frère de l’ancienne Première dame du pays. Sami Ferhi encourt jusqu’à 10 ans de prison. Actuellement en liberté, il attend une convocation officielle pour se présenter au commissariat.
Reporters sans frontières s’inquiète des vices de procédure ayant accéléré la délivrance d’un mandat de dépôt à l’encontre de Sami Fehri et demande la tenue d’un procès équitable, sans interférence du pouvoir.
En effet, à la veille du jugement, les avocats de la défense avaient appris que le rapport d’expertise (3000 pages environ) n’avait toujours pas été transféré à la chambre criminelle de la cour d’appel. Pourtant, vingt-quatre heures plus tard, le défilé de pas moins de quatre-vingt inculpés devant le juge, la chambre criminelle rendait son jugement sur la base de ce même rapport d’expertise. Par ailleurs, en vertu de l’article 114 du code de procédure pénale, les avocats de la défense doivent pouvoir prendre connaissance des conclusions du ministère public et rendre les leurs à la chambre criminelle avant l’énoncé du jugement. Or, la défense n’a pas été prévenue de la tenue de l’audience. En outre, Sami Fehri est poursuivi dans cette affaire en tant que “complice”, alors que les accusés principaux sont en liberté.
“L’empressement de la chambre criminelle à rendre son jugement dans un procès commencé il y a un an et demi, tout comme l’évident vice de forme sont pour le moins surprenants et nous conduisent à nous interroger sur les motivations du tribunal et des juges”, a déclaré Reporters sans frontières.
Cette affaire survient au lendemain de la publication, le 23 août dernier, d’un communiqué du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) indiquant que l’arrêt de la diffusion de l’émission satirique “Ellogique Essiyassi” était dû à des pressions “indirectes” du pouvoir. Les récentes déclarations de responsables politiques, indignés que l’on puisse tourner les dirigeants du pays en dérision, avaient d’ailleurs éveillé les inquiètudes.
Parallèlement à cet épisode judiciaire, Selim Trabelsi, cameraman de la chaîne Attounissia TV, a été agressé par quatre individus qui l’ont frappé à coup de bâton et menacé avec une arme blanche. Au cours de son agression, le jeune homme a entendu plusieurs fois le nom de Sami Fehri être prononcé. Ses agresseurs ont indirectement menacé les journalistes et les techniciens d’Attounissia TV, en répétant : “On vous attrapera un par un”.
“Les attaques et les menaces proférées à l’encontre des professionnels de l’information doivent impérativement être prises au sérieux, et leurs auteurs sanctionnés. Il est de la responsabilité des autorités de garantir la protection de l’ensemble des citoyens vivant sur le sol tunisien, notamment les professionnels des médias. L’insécurité actuelle, source d’autocensure pour les journalistes, constitue un danger important pour la liberté de l’information en Tunisie”, s’est inquiétée Reporters sans frontières.