Avec la multiplication des témoignages sur des agressions policières ciblant, notamment, des femmes; nous avons jugé utile de reproduire ce texte publié par notre confrère la Presse de Tunisie, sur l’attitude a adopté et la façon de réagir face à un contrôle de police (explications de Maître Amin Ben Khaled, avocat)
Si la police arrête un citoyen dans sa voiture ou dans un taxi comment doit-il réagir ?
Il faut remarquer que si la police arrête un citoyen dans un taxi et que ce dernier a commis une infraction, il n’est pas responsable. Le taxi étant le propriétaire de la voiture, il est le seul responsable. Mais la police peut arrêter le taxi (ou la voiture du citoyen) pour un contrôle d’identité. Si les papiers sont en règle, le policier ne peut pas l’arrêter sauf dans deux cas :
1- Si le citoyen fait l’objet d’un mandat judiciaire.
2- S’il est dans un état de flagrant délit (par exemple il porte une arme). Dans le cas d’un accident grave (accident causant la mort ou blessant d’autres personnes) la police peut l’arrêter pour dresser un procès-verbal.
Si on demande au citoyen ou à la citoyenne ce qu’il fait à cette heure-là dans la rue ?
Si la personne est majeure, le policier n’a pas le droit de poser cette question. Si les papies sont en règle et si tout est normal, il n’a pas le droit de poser cette question. Le principe en droit étant «La bonne foi se présume toujours, tant que le contraire n’est pas prouvé».
Si la police demande au citoyen de l’accompagner ?
Pour accompagner la police, il faut que la police ait un motif légitime et elle doit signifier l’infraction commise.
La police a-t-elle le droit de demander si le citoyen ou la citoyenne a bu de l’alcool ?
Pour le cas de l’alcool, en vertu de l’article 317 alinéa 2 du code pénal : «Sont punis de 15 jours ceux qui se trouvent sur la voie publique ou dans tout autre lieu public dans un état d’ivresse évidente». Si la personne est dans un cas d’ivresse évidente la police peut l’arrêter. Le problème ici, c’est la qualification de l’état d’ivresse évidente. En tout cas, il faut que le policier constate le cas d’ivresse évidente.
L’ivresse évidente n’est pas constatée par une simple question : «Est-ce que tu as bu ou non?» mais suite à un alcootest. Donc, l’infraction, ici, n’est pas le fait de boire ou non, mais c’est le fait d’être dans un état d’ivresse évidente.
La police a -t-elle le droit de demander pourquoi la citoyenne est-elle habillée d’une certaine manière ?
Pour ce qui concerne l’outrage public à la pudeur, l’article 226 du code pénal prévoit deux conditions: un outrage public et un outrage commis intentionnellement. Cet article recouvre, selon la jurisprudence tunisienne, l’exhibitionniste intentionnel qui montre les organes intimes en public et ne recouvre pas la manière de s’habiller. Car il faut toujours interpréter le texte pénal d’une manière restrictive.
Concernant l’infraction de l’incitation à la débauche, la loi est claire. L’article 231 du code pénal punit «les femmes qui, par gestes ou par paroles, s’offrent aux passants ou se livrent à la prostitution». Or, cet article ne concerne que la prostitution illégale et en aucun cas on ne peut l’extrapoler pour d’autres cas.
Concernant la présence de l’avocat durant le procès-verbal dans le poste de police….
Il y a l’idée courante selon laquelle l’avocat, en Tunisie, n’a pas le droit d’assister le prévenu. Les policiers se prévalent parfois d’une circulaire qui interdit la présence de l’avocat à ce stade pré-judiciaire. Or, selon le décret-loi n° 79 du 2011 organisant le métier d’avocat, ce dernier peut assister son client devant la police judiciaire qui englobe, selon le code de procédure pénale, les commissaires de police, les officiers de police et les chefs de poste de police. En tout état de cause, la présence de l’avocat, durant le procès-verbal, est nécessaire dans tout État de droit, surtout aujourd’hui en Tunisie si on veut être conforme aux principes et aux buts de la «révolution de la dignité».
Comment se conduire face à une agression policière ?
L’agression policière est contraire à la loi et ne peut être justifiée en aucun cas, qu’elle soit verbale ou physique.
Mais nous devons savoir tout d’abord, qu’il n’a y a pas de textes juridiques spécifiques qui régissent les rapports entre «la police» et le citoyen. Ces relations sont régies pour la plupart et d’une manière assez vague par le droit pénal (code pénal et code de procédure pénale, et autres textes réglementaires).
Le droit pénal étant un droit qui défend essentiellement l’ordre public, et qui limite le champ des libertés individuelles, il doit être interprété d’une manière restrictive.
En outre le droit pénal est régi par un principe fondamental : «Le principe de la légalité des délits et des peines», c’est-à-dire, on ne peut constater une infraction que si le fait est contraire à un texte de loi. Pas de délit sans un texte préalable.
Lu sur la Presse de Tunisie
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