Figue de barbarie tunisienne : d’un fruit oublié à un trésor agro-industriel exporté dans le monde entier

En Tunisie, un fruit longtemps relégué au second plan se hisse aujourd’hui au rang de filière stratégique : la figue de barbarie. Autrefois cantonnée aux marchés locaux, cette ressource naturelle typique des régions arides connaît désormais un essor remarquable, porté par une dynamique agro-industrielle innovante et durable.

 

Alors que la saison estivale annonce la récolte des premières figues, la Tunisie confirme sa place parmi les leaders mondiaux de l’huile de pépins de figue de barbarie certifiée biologique – un ingrédient prisé de l’industrie cosmétique pour ses vertus anti-âge. Ce succès, loin d’être un hasard, est le fruit de plus d’une décennie d’efforts concertés, d’investissements ciblés et de collaborations public-privé.

 

Depuis 2013, le secteur bénéficie de l’appui du PAMPAT (Projet d’accès aux marchés des produits agroalimentaires et de terroir), financé par la Suisse et mis en œuvre par l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel). En coordination avec les ministères tunisiens de l’Agriculture, de l’Industrie et du Commerce, le programme a contribué à structurer la filière, à introduire des pratiques agricoles durables et à professionnaliser l’ensemble de la chaîne de valeur.

 

Une publication récente met en lumière le parcours de cette réussite, avec un focus particulier sur la région de Kasserine. Ce gouvernorat, souvent cité parmi les plus marginalisés du pays, représente aujourd’hui une part significative du chiffre d’affaires national du secteur. La culture du cactus y est devenue un levier de développement local, multipliant par cinq les superficies cultivées en bio et augmentant de manière notable les revenus journaliers des ouvrières agricoles.

 

Loin de se limiter à l’huile cosmétique, la filière tunisienne de la figue de barbarie a su se diversifier. À l’horizon 2024, plusieurs centaines de nouveaux produits ont été développés, allant des denrées alimentaires aux soins parapharmaceutiques. Cette valorisation globale du fruit, qui s’inscrit dans une logique d’économie circulaire, témoigne d’un véritable saut qualitatif dans les capacités industrielles tunisiennes.

 

L’un des éléments déterminants dans ce parcours est sans conteste la forte synergie entre les producteurs, les transformateurs et les institutions. Des initiatives telles que la création d’un label d’origine ou encore la fondation d’une association nationale fédérant les acteurs du secteur illustrent cet esprit de coopération.

 

Les institutions publiques multiplient les efforts pour accompagner cette dynamique. Des campagnes de promotion sont menées à l’étranger, un programme de formation agricole spécialisé est en préparation, et un concours national d’innovation a été lancé pour récompenser les initiatives les plus audacieuses. Même le secteur du tourisme s’engage, avec des expériences immersives autour de la figue de barbarie proposées dans plusieurs régions du pays. L’artisanat n’est pas en reste, avec l’organisation d’événements valorisant les créations inspirées par cette plante emblématique.

 

Mais tout n’est pas sans difficulté. Depuis 2021, la filière est confrontée à une menace sérieuse : la cochenille, un insecte ravageur. Pour y faire face, les autorités ont mis en place une stratégie nationale de lutte intégrée, incluant l’introduction de prédateurs naturels et la sélection de variétés résistantes, afin de protéger les plantations et garantir la résilience du secteur.

 

L’histoire de la figue de barbarie tunisienne démontre qu’avec une vision claire, une coordination entre acteurs et une valorisation intelligente des ressources locales, même les filières perçues comme mineures peuvent devenir des piliers de croissance durable. Ce cas emblématique offre aujourd’hui un modèle inspirant pour d’autres produits de terroir en quête de reconnaissance et de développement.