La Tunisie célèbre ce jeudi le fête de l’Indépendance, obtenue, le 20 mars 1956 après 75 ans de colonisation française.
Pour le professeur d’histoire politique contemporaine à l’université de la Manouba Khaled Abid, le pays a recouvert toute sa souveraineté des années après avoir signé le protocole de l’indépendance.
Il a ajouté que l’indépendance n’a pas été offerte, elle est l’aboutissement d’un long processus qui ne s’est pas limité aux négociations. Lequel processus s’est enclenché depuis que le colonisateur à mis les pieds sur le sol tunisien en avril 1881.
La résistance était présente et elle était forte, mais le déséquilibre des forces a conduit à la défaite de la résistance tunisienne et permis à la France d’occuper le pays et d’imposer son régime colonial.
La campagne militaire française, menée par une armée de 30 mille soldats (contre mois de 5 mille du côté tunisien), a été affrontée par les tribus du nord et du nord-ouest du pays, les Khemir, Amdoune, Chihiya et autres avant d’être renforcées par les tribus du Sahel et du centre, en plus des soldats en service qui avaient refusé la trêve.
Entre 800 et 1000 Tunisiens sont tombés en martyrs lors de cette première campagne, contre 40 morts du côté français.
La Supériorité du colonisateur n’a pas, pour autant, intimidé la résistance tunisienne, elle l’a plutôt nourri, a-t-il indiqué, faisant observer que l’élite tunisienne a fini par comprendre que la colonisation n’aurait pas eu lieu dans un contexte social plus mature.
A partir de ce moment, la résistance a pris conscience de l’importance de l’éducation dans la construction d’une nouvelle personnalité tunisienne.
L’éducation et la construction d’une conscience patriotique auprès du peuple durant des décennies ont permis le déclenchement de la révolution tunisienne, le 18 janvier 1952, date majeure de la lutte pour l’indépendance de la Tunisie avec l’interdiction des rassemblements et l’arrestation de plusieurs figures emblématiques du mouvement national tunisien.
Le combat armé
Face au durcissement de la répression, le discours national au niveau interne a évolué d’une simple demande de réformes à l’appel à l’indépendance du pays a souligné l’historien à l’agence TAP en précisant que le mouvement national tunisien a décidé d’entamer le combat armé face à l’appareil colonial, a indiqué le professeur d’histoire contemporaine Abdellatif Hanachi.
Le premier noyau de la résistance armée a commencé à travers les tribus, les espaces ruraux, pour ensuite s’élargir a-t-il dit, soulignant que la résistance a enregistré des victoires après avoir pallié à la pénurie d’armes grâce aux stratégies de mobilisation menées par les résistants.
La France ne s’est pas retrouvée face à une armée régulière utilisant des méthodes de guerre conventionnelles, mais plutôt face à des groupes adoptant la tactique de la guérilla urbaine, coupant les voies de communication et de transport, et portant atteinte aux institutions, aux biens gouvernementaux ainsi qu’aux propriétés agricoles des colons et des collaborateurs du régime colonial. Ce à quoi la France n’était pas préparée à l’avance, a-t-il ajouté.
« Face aux victoires remportées, le mouvement de résistance a été contenu au sein du Néo-Destour, qui a tenté d’encadrer ce mouvement, de l’orienter et d’en faire un moyen de pression sur le régime français ».
Selon lui, le Néo-Destour a réussi à attirer une partie importante des élites qui ont contribué à la lutte nationale et à mobiliser de larges secteurs de la population tunisienne dans la lutte contre le colonialisme.
La création de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et son alliance avec le parti destourien ont marqué un tournant dans la lutte nationale, tant au niveau du discours que dans la pratique. La tenue du Congrès de l’Indépendance en 1946, qui a rassemblé la majorité des forces politiques, sociales et culturelles, a représenté une étape décisive dans l’évolution du mouvement national et de ses revendications, accélérant ainsi l’indépendance de la Tunisie. Selon Hannachi, la défaite de la France face aux forces nazies a également renforcé la confiance des Tunisiens dans leur capacité à vaincre le colonialisme.
Les facteurs ayant contribué à l’indépendance
Plusieurs facteurs se sont combinés pour favoriser l’indépendance de la Tunisie. Le professeur d’histoire contemporaine, Abdelatif Hannachi, a cité plusieurs éléments déterminants.
Au niveau régional, l’indépendance de la Libye en 1951 et l’émergence de la révolution égyptienne en 1952 ont donné un élan moral aux Tunisiens et renforcé leur désir de surmonter le colonialisme. Il a précisé que la Libye, après son indépendance, est devenue une base arrière du mouvement national, notamment après la révolution de 1952.
Sur le plan international, le professeur Hannachi a souligné que la victoire des Alliés, la création des Nations Unies en 1945 et l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948 ont favorisé une prise de conscience accrue sur la nécessité de libérer les peuples sous domination coloniale.
Il a également évoqué que la défaite de la France à la bataille de Diên Biên Phu au Vietnam a ravivé l’enthousiasme des Tunisiens, qui ont compris que la France n’était pas invincible.
Les faits historiques indiquent que l’intensification de la résistance et la diversification des fronts contre la France – notamment avec le déclenchement de la révolution algérienne et les conflits en Indochine – ont conduit Pierre Mendès France, alors président du Conseil français, à annoncer l’autonomie interne de la Tunisie le 31 juillet 1954.
Après cette déclaration, des négociations bilatérales ont été engagées pour définir les obligations respectives des parties tunisienne et française. En 1954, un gouvernement dirigé par Tahar Ben Ammar a été formé, et le 24 novembre 1954, le gouvernement tunisien a appelé les résistants à déposer les armes. Cet appel a marqué la fin de l’une des résistances les plus longues et les plus violentes menées par les populations tunisiennes, jusqu’à la proclamation de l’indépendance totale le 20 mars 1956.
Dans ce contexte, Hannachi a expliqué que la revendication de l’indépendance n’était pas initialement présente dans les écrits du mouvement national. Ce n’est que lors du Congrès de l’Indépendance de 1946, en présence des principaux partis politiques, intellectuels et défenseurs des droits humains, que cette revendication a été officiellement adoptée.
Il a ajouté qu’après ce congrès, la Tunisie a obtenu l’autonomie interne en 1955, suivie de l’indépendance totale en 1956. Il a précisé que cette indépendance était le résultat d’une lutte prolongée, marquée par des sacrifices humains considérables, impliquant des martyrs, des blessés, des prisonniers, des exilés et des déportés.
Cependant, la souveraineté tunisienne n’a été pleinement réalisée qu’en octobre 1963, avec le retrait des troupes françaises de Bizerte, après une bataille au cours de laquelle des centaines de Tunisiens ont perdu la vie. L’indépendance économique a également été renforcée avec la nationalisation des terres des colons français, par la décision du 12 mai 1964.