Rassemblés dans l’émoi, l’espoir et l’inquiétude, des centaines de manifestants venus de tous bords ont déferlé, samedi soir, sur la place de l’avenue Habib Bourguiba à Tunis, épicentre de la révolution tunisienne de 2011, en face de la statue-symbole d’Ibn Khaldoun, l’homme pour qui l’histoire a ses raisons que la raison peine parfois à entendre.
En cause, manifester sans tact ni fioritures en commémoration de la journée de la Terre, la Terre palestinienne, évènement dont la date de célébration coïncide avec le 30 mars de chaque année.
La commémoration de cette année 2024 survient à l’heure où l’humanité tout entière se livre chaque jour à une tragédie génocidaire en marche qui s’est abattue sur le peuple palestinien à Gaza dans une époque du jamais vu, du jamais fait et du jamais entendu.
Une commémoration foncièrement trempée dans le sang d’un peuple qui semble être condamné à vivre et à survivre à une trajectoire mortifère dont les contours lui ont été fallacieusement épargnés depuis bien avant les 67 mots de la maudite déclaration de Belfort de 1917.
Face à ce paysage mitigé où les théories de « no man’s land » ne cessent de parsemer l’échiquier international, la Terre palestinienne était de tout temps présente et omniprésente, le point de mire même d’un conflit souvent en ébullition.
Profondément conscients des enjeux de l’étape et de ses défis de taille, les manifestants étaient résolus à brandir des slogans somme toute audacieux frappant droit au hic du problème.
Non au silence tonnant face à la barbarie de l’entité sioniste à Gaza ; Non aux inlassables tentatives de normalisation avec l’entité sioniste, Non à l’ambassadeur de France à Tunis dont le pays n’a cessé de démontrer une « duplicité » à l’égard des causes arabes, ont-ils vivement scandé sans détour.
Ils ont également plaidé pour une « stratégie de boycott » qui transcende la logique des “miettes” et des solutions saupoudrées d’illusions et de faux-semblants” pour ériger le boycott en une arme redoutable face au projet sioniste dans la région.
Belle initiative émanant du comité national de soutien à la Résistance en Palestine, la manifestation vient donner un signal fort aux confrères palestiniens, peuple et résistance, qu’ils ne sont pas seuls et que les Tunisiens, toutes franges et sensibilités confondues, se solidarisent avec eux et se départagent leurs maux, souffrances et déboires.
Aussi morose, terrifiant et tragique que puisse paraître ce tableau, le peuple palestinien est voué à un seul et unique sort, celui de la résistance, de la lutte et du sacrifice, a déclaré aux médias, Samir Cheffi, secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), principale structure syndicale du pays.
Lorsqu’il est question de Terre, de liberté, de dignité et d’affranchissement du joug colonial, il n’y a plus question à négocier ou à tergiverser. Ce devrait être un choix irréversible de la nation arabe tout entière, martèle-t-il encore.
Cheffi a tenu à souligner que le génocide de Gaza et le déchaînement sans précédent de la barbarie sioniste ont suscité une interminable vague de soutien et de solidarité avec le peuple palestinien.
Dans les quatre coins du monde, dit-il, l’Homme où qu’il se trouve s’est rebiffé contre une “guerre déshumanisante” pour soutenir Gaza et Palestine.
Une guerre, ajoute Cheffi, qui a le mérite, tout le mérite de faire tomber les masques. Les masques de ceux qui se targuent d’être les fervents et coutumiers défenseurs des droits de l’homme, de la démocratie, des valeurs de l’humanité et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Les masques des régimes « arabes » qui se sont engagés dans une course effrénée et insolente vers une normalisation rampante avec l’entité sioniste contre la volonté et les choix de leurs peuples.
L’heure est gravissime, estime le responsable de l’UGTT, ajoutant que les défis actuels appellent à convoquer en urgence un sommet arabe extraordinaire pour décréter des mesures immédiates, dont les plus en vue un recours à l’arme du pétrole et la réactivation de la convention de défense arabe commune.
Dans la foulée des déclarations, le secrétaire général du Mouvement Echaab, Zouheir Maghzaoui a affirmé que nous sommes en train de préparer un convoi maghrébin pour se rendre à Gaza, assurant que les préparatifs vont bon train et qu’il s’agit d’une simple et modeste initiative visant à briser le siège imposé à l’enclave palestinienne.
S’exprimant avec un franc-parler, Maghzaoui a qualifié des dirigeants arabes (sans les citer) de « moribonds », de « traîtres et de simples pantins », dénonçant la réaction des six pays arabes qui ont signé des accords de normalisation avec l’entité sioniste qui affichent des positions maigres face au génocide de Gaza oscillant entre la sourde oreille et la complicité meurtrière.
D’aucun de ces pays n’a osé brandir la menace de la simple expulsion de l’ambassadeur, s’indigne-t-il, soulignant que les peuples arabes libres ont décidé de leur propre gré de briser l’omerta de la peur et de la terreur et de manifester dans les rues contre les projets suspects qui se trament à l’horizon contre le peuple de Gaza.
Le 9 octobre 2023, un collectif d’organisations, d’associations et de partis politiques a annoncé la création d’une structure baptisée « Comité national de soutien à la Résistance en Palestine ».
L’idée survient à l’issue d’une réunion convoquée par l’GTT au siège de l’Union syndicale maghrébine en soutien à l’opération d’envergure de la résistance palestinienne, « Déluge d’al-Aqsa », le 7 octobre 2023.
Le 30 mars 1976, l’entité sioniste a réprimé dans le sang et le feu une manifestation des Palestiniens vivant dans les territoires de 1948 alors qu’ils manifestaient contre l’emprise irrégulière de leurs propres terres. Depuis 48 ans, le 30 mars est devenue une date indélébile gravée dans la mémoire des Palestiniens dans le monde entier. Une date qui vient rappeler l’ami comme l’ennemi que la toile de fond du conflit arabo-israélien demeure de tout temps la Terre, rien que la Terre.