Législatives 2022  : Le taux de participation bas confirme la nécessité d’un dialogue renouvelé (Centre Carter)

Dans une déclaration préliminaire publiée lundi 19 décembre 2022, le Centre Carter appelle toutes les parties prenantes tunisiennes à mettre de côté leurs différences et à s’engager dans un dialogue national véritablement inclusif et transparent afin de relancer la transition démocratique paralysée du pays.

Seuls 8,8% de la population du pays se sont rendus aux urnes pour les élections législatives du 17 décembre, un taux de participation historiquement bas qui reflète la désillusion du peuple tunisien face à la situation politique et économique actuelle, et qui suggère que la feuille de route présidentielle annoncée en décembre 2021 n’a pas réussi à unifier le pays.

Le Centre Carter, qui est engagé en Tunisie depuis 2011, a débuté une mission d’observation électorale en juin 2022 avec une équipe resserrée d’experts. Cette équipe d’experts a évalué le référendum du 25 juillet ; et pour les élections législatives du 17 décembre, le Centre a déployé plus de 60 observateurs électoraux qui ont visité 308 bureaux de vote dans les 24 gouvernorats.

La mission d’observation du Centre a constaté que si les élections ont été techniquement bien administrées, le processus qui sous-tend le cadre des élections a manqué de légitimité et n’a pas satisfait aux normes et obligations internationales et régionales.

Lorsque le président a pris le contrôle de tous les leviers du pouvoir le 25 juillet 2021, il répondait au sentiment largement partagé que le Parlement n’avait pas réussi à résoudre les problèmes sociaux et économiques qui ont provoqué la révolution du Jasmin de 2011. Mais contrairement aux processus inclusifs qui ont suivi la révolution et conduit à la Constitution de 2014, le processus étroitement contrôlé qui a produit la nouvelle Constitution n’a pas donné lieu à un large consensus. Il a été mené dans un délai restreint sans possibilité de débat public et a été approuvé par un référendum dont le taux de participation a tout juste atteint 30,5 %.

Le nouveau système électoral dans le cadre duquel les élections législatives ont été organisées a été créé par le président par le biais de décrets-lois. De nombreux groupes d’observateurs citoyens tunisiens ont critiqué la loi électorale, soulignant qu’elle n’avait pas été rédigée de manière participative, avec la participation des principales parties prenantes tunisiennes, et qu’elle avait créé un système électoral qui entravait encore davantage la participation des femmes et des jeunes.

En raison de la manière dont la Constitution et la loi électorale ont été rédigées, de nombreux partis politiques, organisations de la société civile et autres groupes ont appelé au boycott des élections.

En outre, de nombreux Tunisiens ne connaissaient pas les candidats, ou pas les nouvelles structures électorales, et pourraient s’être abstenus pour cette raison.

Le processus lacunaire qui a précédé l’élection et la faible participation le jour du scrutin renforcent la nécessité de s’engager sur une voie différente pour répondre aux espoirs et aux rêves du peuple tunisien exprimés pendant la révolution, et satisfaire ses aspirations à une démocratie plus inclusive et à la prospérité économique.

Le Centre recommande que le Président établisse immédiatement la Cour constitutionnelle et que les dirigeants tunisiens s’engagent dans une consultation large et inclusive qui traite des lacunes de la Constitution de 2022 et des décrets-lois émis par le Président depuis le 25 juillet 2021.

Parmi les questions à aborder figurent :

  • La nécessité d’une nouvelle loi électorale et d’un nouveau système électoral qui ré-établissent un organisme électoral indépendant et résultent en une élaboration des politiques publiques efficace.
  • La mise en place de politiques qui traitent les problèmes de corruption, la réforme du secteur de la sécurité, et l’administration publique.
  • Le ré-établissement de l’équilibre des pouvoirs entre les branches exécutive, législative et judiciaire.
  • Un renforcement de l’éducation civique et des électeurs pour engager la population dans des consultations nationales et des réformes qui impacteront leur vie quotidienne.
  • Des mesures visant à renforcer les partis politiques et à accroître la démocratie interne des partis, ce qui résultera en une meilleure représentation des partis politiques, notamment par des femmes, des jeunes et des représentants des populations marginalisées.

Pour que la Tunisie aille de l’avant, il faut que les dirigeants fassent passer les besoins du pays avant les leurs et qu’ils répondent au désir de développement économique de la population, au désir d’avoir un gouvernement réceptif, et au désir de véritable démocratie.

Contexte

Le Centre Carter a été accrédité par l’Instance Supérieure pour l’Indépendance des Elections (connu sous son acronyme français, ISIE) pour observer les élections et a déployé plus de 60 observateurs, issus de 26 pays, qui ont visité 308 bureaux de vote uniques ainsi que les 27 centres de compilation, le jour du scrutin.

Le Centre a déployé une équipe cadre en juin 2022 et 14 observateurs de longue durée à la mi-octobre. Les objectifs de son observation en Tunisie sont de fournir une évaluation impartiale de la qualité globale du processus électoral, de promouvoir un processus inclusif pour tous les Tunisiens et de démontrer son soutien à la transition démocratique.

Le Centre Carter évalue le processus électoral en fonction de la Constitution tunisienne, du cadre électoral national, des obligations et des normes découlant des traités régionaux et internationaux, des organes d’interprétation et de la pratique des États. Sa mission d’observation est menée conformément à la Déclaration de principes pour l’observation internationale d’élections de 2005.

Le Centre est présent en Tunisie depuis 2011. Il a observé les élections de l’Assemblée Nationale Constituante de 2011, les élections présidentielles et législatives de 2014 et 2019, ainsi que le processus d’élaboration de la Constitution qui a abouti à l’adoption de la Constitution de 2014.

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Le Centre Carter

« Lutter pour la paix. Combattre la maladie. Bâtir l’espoir ».

 Le Centre Carter est une organisation non gouvernementale à but non lucratif qui a contribué à l’amélioration de la vie des habitants de plus de 80 pays en œuvrant à la résolution des conflits, pour l’avance de la démocratie, des droits de l’homme et des opportunités économiques, pour prévenir les maladies et pour améliorer les soins psychiatriques. Le Centre Carter a été fondé en 1982 par l’ex-président des États-Unis, Jimmy Carter, et par l’ex-première dame, Rosalynn Carter, en partenariat avec l’Université Emory, pour faire progresser la paix et la santé dans le monde.

Communiqué